Débats du Sénat (Hansard)
1re Session, 45e Législature
Volume 154, Numéro 6
Le mercredi 4 juin 2025
L’honorable Raymonde Gagné, Présidente
- DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
- AFFAIRES COURANTES
- L’ajournement
- L’Assemblée parlementaire de la Francophonie
- L’anniversaire de commémoration du génocide au Rwanda, tenu les 6 et 7 avril 2024—Dépôt du rapport
- Les réunions de la présidence de l’APF, tenues du 22 au 26 avril 2024—Dépôt du rapport
- Les réunions de la Commission politique de l’APF et du Groupe de travail sur la réforme des Statuts de l’APF, tenues du 27 au 30 avril 2024—Dépôt du rapport
- L’Assemblée régionale Afrique de l’APF, tenue les 28 et 29 mai 2024—Dépôt du rapport
- La réunion de l’Assemblée régionale de l’Europe, tenue du 11 au 13 novembre 2024—Dépôt du rapport
- La réunion de la Commission des affaires économiques, sociales et environnementales de l’APF et le colloque parlementaire économique, tenus du 2 au 4 avril 2025—Dépôt du rapport
- PÉRIODE DES QUESTIONS
- ORDRE DU JOUR
- Le discours du Trône
- Le Sénat
- Projet de loi concernant l’élaboration d’un cadre national sur le revenu de base garanti suffisant
- Projet de loi sur la stratégie nationale pour les enfants et les jeunes
- La Loi sur l’Agence du revenu du Canada
- Le décès de l’honorable Marc Garneau, c.p., C.C.
- Les travaux du Sénat
LE SÉNAT
Le mercredi 4 juin 2025
La séance est ouverte à 14 heures, la Présidente étant au fauteuil.
Prière.
[Traduction]
Les travaux du Sénat
Son Honneur la Présidente : J’aimerais rappeler à tous les honorables sénateurs que le vote pour l’élection à la Présidence intérimaire est en cours dans l’aire de travail des sénateurs et se terminera une heure suivant l’ajournement du Sénat aujourd’hui, à condition que tout sénateur qui était en attente à cette heure ait l’occasion de voter.
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
Le décès de Norman Mark Hiscock
L’honorable Fabian Manning : Honorables sénateurs, c’est avec plaisir que je présente aujourd’hui le chapitre 88 de « Notre histoire ».
Les East Coast Music Awards de 2025 ont eu lieu du 7 au 11 mai à St. John’s, à Terre-Neuve. Ce fut cinq jours de fête musicale ininterrompue pendant laquelle les meilleurs talents de la côte Est ont été mis en vedette et récompensés. Pendant cette semaine, nous avons fêté et honoré les meilleurs artistes musicaux du Canada atlantique de la dernière année.
La ville hôte, St. John’s, s’est surpassée une fois de plus et la 37e édition annuelle des East Coast Music Awards a connu un immense succès. Je tiens à féliciter toutes les personnes qui ont contribué à cette réussite.
Malheureusement, les célébrations de cette année ont été assombries par le décès soudain et prématuré de l’un des musiciens les plus talentueux et prolifiques de notre province, Mark Hiscock.
Le 6 mai, la veille de l’ouverture des East Coast Music Awards, Mark Hiscock est décédé à l’âge de 53 ans. Il était un pilier de la scène musicale de Terre-Neuve-et-Labrador et un membre fondateur de Shanneyganock, un groupe folklorique très connu et très aimé.
Formé il y a plus de 30 ans avec Chris Andrews, ce duo est bien connu et très apprécié pour ses nombreuses chansons et mélodies imprégnées de la longue tradition narrative de notre province. En 2020, Shanneyganock a reçu un prix d’excellence pour l’ensemble de sa carrière lors du gala des East Coast Music Awards.
Dès son plus jeune âge, Mark a commencé à jouer de l’accordéon à boutons et, grâce à son talent et à sa passion pour cet instrument, il est devenu l’un des meilleurs musiciens que notre province ait jamais connus.
En plus d’être membre du groupe, Mark a également mené une carrière solo, sorti ses propres albums et collaboré avec d’autres artistes. Il a laissé une empreinte incroyable sur l’industrie musicale de notre province.
Dans une entrevue accordée à CBC, Chris Andrews, un autre membre du groupe qui était aux côtés de Mark lorsqu’il est décédé, a très bien résumé l’héritage laissé par Mark quand il a dit ceci :
Mark était une personne très gentille et douce. Il aimait tout le monde. Il adorait la musique […] Il aimait Terre-Neuve. Il aimait l’accordéon et la musique, et il aimait sa vie, sa famille et son épouse. Vous savez, c’était un homme heureux, et c’est tellement triste qu’il ait été emporté à ce stade de sa vie.
Chers amis, je vous demande de vous joindre à moi pour offrir nos plus sincères condoléances à Kelly, l’épouse de Mark, à son fils Daniel, à ses parents Norman et Linda, ainsi qu’à toute sa famille, ses amis et ses admirateurs.
J’ai eu le privilège d’être en compagnie de Mark à de nombreuses reprises. C’était un véritable patriote et un excellent ambassadeur pour Terre-Neuve-et-Labrador. C’était vraiment un homme gentil, doux et humble.
Je terminerai par les paroles d’une célèbre chanson que Mark a interprétée à maintes reprises, et qui s’intitule Fiddlers Green.
Pour moi, pas de harpe ni d’auréole, non merci
Une brise et une mer agitée, cela me suffit
Je jouerai de mon fidèle accordéon porté par le vent
Qui m’accompagnera de son chant dans le gréement
Emmitouflé dans mon tricot et mon ciré
On ne me verra plus sur les quais
Dites à l’équipage que je suis parti pour un grand voyage
Je vous reverrai bien, au paradis des marins
Repose en paix, mon ami.
[Français]
L’honorable Flordeliz (Gigi) Osler
Félicitations pour avoir reçu un prix de reconnaissance pour services exceptionnels
L’honorable Sharon Burey : Honorables sénateurs, c’est un grand honneur pour moi de prendre la parole aujourd’hui afin d’offrir mes plus sincères félicitations à notre estimée collègue la sénatrice Flordeliz (Gigi) Osler, qui a obtenu le prix de reconnaissance pour services exceptionnels de 2025 de l’organisme Asian Women of Winnipeg. La célébration de cette réalisation tombe à un moment on ne peut plus propice, puisque juin est le Mois du patrimoine philippin au Canada.
[Traduction]
Ce prix, qui lui a été décerné lors de la Journée internationale des femmes, témoigne non seulement des services exceptionnels rendus par la sénatrice Osler au Canada, mais aussi de son engagement indéfectible en faveur de l’équité, de l’inclusion et d’un leadership transformateur.
Asian Women of Winnipeg est une organisation dont l’objectif est d’habiliter, d’informer et de valoriser les femmes de tout le Manitoba. Sa mission est ancrée dans des valeurs qui nous sont chères : le respect mutuel, la diversité et l’égalité.
Le Mois du patrimoine philippin est l’occasion de mettre en lumière les réalisations et les expériences de la troisième communauté asiatique en importance au pays.
Née à Winnipeg de parents immigrés des Philippines et de l’Inde, la sénatrice Osler a tracé une voie qui continue d’inspirer les femmes de tous horizons. Chirurgienne de renommée internationale, elle est une ardente défenseure de la santé et des soins de santé. Qu’il s’agisse de son travail de pionnière en médecine à titre de première femme chirurgienne et première femme racisée à occuper la présidence de l’Association médicale canadienne ou du leadership qu’elle exerce actuellement au sein du Sénat, la sénatrice Osler n’a cessé de surmonter les obstacles et de jeter des ponts pour que d’autres puissent suivre son exemple.
Elle est également présidente du Groupe des sénateurs canadiens, où elle met à profit la précision, le souci du détail et les compétences exceptionnelles qu’elle a acquis au cours de sa carrière de chirurgienne. Elle nous rappelle que le leadership ne se résume pas aux réalisations personnelles et qu’il consiste à changer les structures pour donner à d’autres la possibilité de s’épanouir.
Comme je l’ai déjà dit, lorsque nous nous libérons du joug des castes et des classes nous pouvons, nous, les Canadiens, ouvrir notre esprit et découvrir l’histoire du Canada sous toutes ces facettes, et ainsi comprendre en quoi consiste l’identité canadienne et ce que signifie donner véritablement libre cours au potentiel prometteur de notre grand pays.
Souligner les réalisations remarquables de la sénatrice Osler pendant le Mois du patrimoine philippin nous permet aussi de reconnaître le rôle plus général de cette communauté dans l’édification d’un Canada fort et prospère.
Gigi— sénatrice Osler—, votre voix, votre travail et vos efforts constants en matière de sensibilisation enrichissent non seulement cette enceinte, mais aussi notre pays. C’est un honneur de vous compter à la fois parmi mes collègues et mes amis.
Je vous remercie. Meegwetch.
[Français]
Visiteurs à la tribune
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de membres du conseil d’administration de Médecins francophones du Canada. Ils sont accompagnés du président, le Dr Nader Habib, et de la directrice générale, Mme Nicole Parent. Ils sont les invités de l’honorable sénatrice Mégie.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
(1410)
Médecins francophones du Canada
L’honorable Marie-Françoise Mégie : Chers collègues, c’est avec un immense plaisir et beaucoup de fierté que j’accueille aujourd’hui une délégation de l’association Médecins francophones du Canada.
Permettez-moi de saluer chaleureusement la directrice générale, le président, ainsi que les membres du conseil d’administration qui sont parmi nous aujourd’hui : la Dre Hélène Boyer, le Dr Paolo Antunes et le Dr Samuel Serfaty.
Médecins francophones du Canada est une institution centenaire née de la vision du Dr Michel-Delphis Brochu, un Québécois de conviction. En 1900, celui-ci a lancé un projet ambitieux, soit de rassembler les médecins francophones de toute l’Amérique du Nord. Son objectif était de faire en sorte que ces médecins soient reconnus à égalité avec leurs collègues anglophones, tant sur le plan scientifique que professionnel, tout en restant attachés à leur langue et à leur culture française. Deux ans plus tard, en 1902, cette vision est devenue réalité avec la fondation de l’Association des médecins de langue française de l’Amérique du Nord, dont le Dr Brochu est devenu le premier président.
Depuis plus d’un siècle, cette organisation défend sans relâche les droits des médecins francophones, leur offre des occasions de formation continue, de réseautage et de perfectionnement professionnel et contribue activement à la santé et au bien-être des communautés francophones partout au pays.
Au-delà des services, ce sont leurs valeurs profondes qui méritent d’être soulignées : le respect des besoins de leurs membres, des patients et des partenaires; l’intégrité dont ils font preuve tout en restant fidèles à leurs engagements et à leur mission; la collaboration, basée sur la force du travail d’équipe et du partenariat; un engagement ferme en vue d’atteindre leurs objectifs malgré les obstacles.
L’histoire de cette organisation est aussi marquée par des combats emblématiques. Citons par exemple la défense de l’Hôpital Montfort, qui faisait face à une recommandation visant à fermer l’établissement en 1997. J’ai eu le privilège de présider cette association de 2014 à 2016. Ce fut une expérience enrichissante : permettre aux médecins francophones exerçant leur profession en milieu minoritaire d’offrir des services en français aux patients qui en ont besoin améliore la qualité des soins et renforce la communication et la confiance, surtout dans les situations à forte charge émotive.
Je tiens donc à remercier chaleureusement l’association Médecins francophones du Canada de son leadership, son travail essentiel et son dévouement au service de la francophonie dans le domaine des soins de santé. Merci de porter bien haut ce flambeau. Bienvenue au Sénat du Canada.
[Traduction]
Visiteurs à la tribune
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Genevieve LeBlanc, Meags Fitzgerald et Jessica Nichols, qui sont ici pour souligner le début de la saison de la Fierté. Elles sont les invitées des honorables sénateurs Wells (Alberta) et Wilson.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
La saison de la fierté
L’honorable Kristopher Wells : Honorables sénateurs, c’est la première fois que des artistes travestis sont présentés au Sénat du Canada. C’est vraiment une façon très appropriée de commencer la saison canadienne de la fierté.
L’origine du mot « drag » est intéressante. Certains pensent que le mot vient de Shakespeare, « drag » étant l’acronyme de « dressed as a girl », à l’époque où les femmes n’étaient pas autorisées à monter sur scène. D’autres pensent que le mot provient de l’époque où, au théâtre, les grandes robes colorées traînaient littéralement sur la scène.
Quelle que soit l’histoire à laquelle on croit, la drag est certainement une forme d’art incroyable et ancienne. Aujourd’hui, la drag représente un aspect important du développement de l’appartenance à la communauté 2ELGBTQI+ et l’expression de cette culture connaît une grande popularité à la télévision, notamment dans des émissions comme Canada’s Drag Race, dans des œuvres canadiennes comme le livre de Darrin Hagen The Edmonton Queen et sa pièce The Empress & the Prime Minister, et bien sûr dans la pièce révolutionnaire de Michel Tremblay Hossanna, qui date de 1973.
Que ce soit sur scène, à l’écran ou dans la communauté, la drag demeure une affirmation éloquente de l’égalité, dans la mesure où elle remet en question, de façon amusante, les stéréotypes et les préjugés sur le genre et l’identité. Surtout, comme toutes les grandes œuvres d’art, la drag nous fait réfléchir, rire et parfois même pleurer.
Alors que nous célébrons le début de la saison de la fierté, ce sont malheureusement les artistes travestis et les communautés de diverses identités de genre qui font l’objet d’attaques qui s’intensifient. On observe une montée très inquiétante des préjugés et de la discrimination contre les personnes transgenres et 2ELGBTQI+ dans le monde, aux États-Unis, et même ici, au Canada. La vague populiste de la prétendue idéologie du genre ne se manifeste pas seulement par un discours préjudiciable; elle vise fondamentalement à anéantir les progrès durement acquis au cours des dernières décennies dans des pays comme le Canada.
Cette année marque le vingtième anniversaire de la légalisation du mariage entre personnes de même sexe au Canada. Cette réalisation est une source de fierté pour notre pays et elle nous montre à tous ce qu’il est possible d’accomplir grâce au travail des militants, des alliés et des champions d’une cause. Ce changement capital est le produit du travail d’un nombre incalculable de personnes qui, conversation après conversation, ont contribué à ouvrir les cœurs et les esprits afin que l’amour finisse par l’emporter.
Si l’histoire nous enseigne quelque chose, c’est que nous ne pouvons jamais nous reposer sur nos lauriers après avoir accompli des progrès et que nous ne pouvons jamais cesser de travailler à bâtir une société plus juste et plus inclusive.
Honorables sénateurs, la semaine dernière, un autre roi nous a rappelé que le Canada est le pays souverain du Grand Nord, fort et libre, où nous sommes libres d’aimer qui nous voulons, libres d’être qui nous sommes et libres de vivre fièrement dans un pays où nous pouvons nous exprimer pleinement.
En cette saison de la fierté, j’espère que je parle au nom de tous mes honorables collègues quand je dis que nous restons vigilants et que nous défendrons toujours la diversité ainsi que les droits et libertés fondamentaux sur lesquels repose le Canada.
À tous les Canadiens d’un océan à l’autre, je vous souhaite un été rempli de fierté, d’amour, de rires et, espérons-le, d’un ou deux spectacles de travestis hauts en couleur.
Merci, Meegwetch.
La lutte contre l’islamophobie
L’honorable Salma Ataullahjan : Honorables sénateurs, aujourd’hui, je prends la parole à la mémoire des membres de la famille Afzaal qui ont été tués dans un attentat terroriste brutal à London, en Ontario, il y a quatre ans. Ce jour-là, le 6 juin, des membres de la famille appartenant à trois générations ont été assassinés. Seul le jeune garçon de 9 ans a survécu. Le terroriste avait pour seule motivation sa haine envers les musulmans.
La communauté musulmane a été grandement ébranlée par cette tragédie. Au moment du drame, des messages de condoléances et des témoignages de tristesse ont afflué de partout au Canada. Nous avons tous qualifié la tuerie d’horrible. Le pays a pleuré les morts avec nous.
Ce n’était toutefois pas la fin des attaques islamophobes. Elles se poursuivent encore aujourd’hui. Pas plus tard qu’en mars dernier, Elshimaa Abdelhafiz, une mère de trois enfants, est entrée dans une bibliothèque pour étudier. Au beau milieu d’un espace public, en plein jour, elle a été confrontée à la haine. Une étrangère lui a crié des insultes et l’a aspergée d’un liquide pour tenter de l’immoler par le feu.
Ses filles ont demandé : « Pourquoi quelqu’un voudrait-il faire du mal à notre mère en raison de ce qu’elle porte sur la tête? » Aujourd’hui, je prie tous les Canadiens de ne pas considérer le hijab comme une menace. Le hijab ne devrait pas être perçu comme une provocation. Certaines musulmanes décident de le porter, et c’est leur droit.
Je ne parle pas d’un incident isolé. Dans les dernières semaines, un individu a tenté de mettre le feu à la maison d’une famille musulmane. Des voitures ont été vandalisées dans le stationnement d’une mosquée. Les attaques de la sorte sont devenues monnaie courante.
Honorables sénateurs, la vie et la souffrance des musulmans ne sont pas négociables. Les attaques motivées par la haine comme celle-ci doivent être combattues par une protection sans faille et des poursuites sans compromis. L’islamophobie n’est pas un problème qui touche une seule communauté; elle nous concerne tous, car elle va à l’encontre des principes du respect, de l’équité et de l’inclusion qui définissent notre pays.
Face à la peur, Elshimaa a choisi de se concentrer sur les inconnus qui sont venus lui porter secours et qui ont fait preuve de compassion et de courage. Ces inconnus nous rappellent qui nous sommes en tant que Canadiens. Nous sommes un peuple compatissant et courageux, et l’islamophobie touche au cœur même de nos valeurs canadiennes communes. Elle met à l’épreuve notre détermination.
Honorables sénateurs, je prends la parole pour dénoncer l’islamophobie et toutes les formes de haine fondée sur la religion. Je vous exhorte, ainsi que tous les Canadiens, à faire de même. Que l’on se souvienne de nous dans cette enceinte non pas pour notre silence, mais pour notre courage. Merci.
(1420)
La fête de la République italienne
Le Mois du patrimoine italien
L’honorable Toni Varone : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour souligner la fête de la République italienne et le Mois du patrimoine italien en rendant hommage au premier Canadien d’origine italienne à être nommé à cette auguste Chambre.
Il y a une cinquantaine d’années, dans la vénérable enceinte du Sénat du Canada, s’élevait une nouvelle voix qui raisonnait avec passion, avec gratitude et avec un dévouement inébranlable à l’égard de cette riche mosaïque qui constituait la société canadienne. La nomination, par le premier ministre Pierre Elliot Trudeau, du sénateur Peter Bosa à cette auguste Chambre était un jalon important qui soulignait une contribution exceptionnelle au discours sur l’unité nationale.
Dans son premier discours au Sénat, le sénateur Bosa a exprimé avec éloquence et dignité une vision qui célébrait à la fois la diversité et l’identité commune du Canada. Son discours s’inspirait de son expérience en tant qu’immigrant.
Arrivé au Canada en 1948 en provenance du Frioul, en Italie, il a fait part de sa fascination pour la façon dont des personnes de diverses origines arrivaient à coexister dans l’harmonie et à surmonter les querelles historiques qui les avaient divisés en Europe. Dans cette optique, il a présenté le Canada non seulement comme un pays, mais comme un organisme vivant nourri par la multitude de cultures qui contribuaient à son dynamisme.
Ses observations sur son apprentissage de l’anglais avec l’aide d’un Écossais à la base aérienne d’Aviano, dans le Nord de l’Italie, ont montré comment son expérience était intimement liée à l’identité canadienne. Le parcours du sénateur Bosa était typique de celui de nombreux nouveaux arrivants ayant développé un sentiment d’appartenance à l’égard de notre grand pays.
Le sénateur Bosa était mon ami. J’ai suivi ses traces ainsi que celles d’un autre grand sénateur d’origine italienne, le sénateur Consiglio Di Nino. Ces deux hommes étaient aux antipodes de l’échiquier politique, mais ils partageaient un parcours de bonté et un respect mutuel. J’ai eu l’honneur de servir à leurs côtés pendant les années initiales de Villa Charities, qui est aujourd’hui la plus grande association d’organismes de bienfaisance italiens.
Le sénateur Bosa a toujours parlé du rôle crucial du multiculturalisme, une politique qu’il considérait comme essentielle pour favoriser l’unité dans une société pluraliste. Selon lui, le multiculturalisme ne devait pas être perçu comme une source de division, mais plutôt comme un moyen d’enrichir le paysage culturel du Canada. Soulignant que le multiculturalisme était au service de tous les Canadiens, il a exhorté tout un chacun à souscrire à cette identité commune qui transcende les origines ethniques individuelles. Pour lui, le multiculturalisme n’était pas une simple politique; c’était un principe fondamental qui conférait à chacun dignité et appartenance, et qui renforçait son engagement envers l’avenir du Canada.
Les idées du sénateur Bosa m’ont tout particulièrement interpellé; elles faisaient souvent ressortir l’importance de reconnaître toutes les contributions culturelles comme faisant partie intégrante de l’identité collective canadienne. Il insistait toujours sur la nécessité de l’inclusion, affirmant que la compréhension et l’acceptation des différentes origines mènent à une nation plus forte et plus unie. Son appel au respect et à l’appréciation de chaque culture n’était pas seulement un plaidoyer pour la tolérance, mais une vision pour le progrès collectif dans un monde souvent en proie à la division et aux conflits. Le sénateur Bosa défendait un Canada où les différences n’étaient pas seulement tolérées, mais chéries.
C’était il y a 50 ans, mesdames et messieurs. Le mois de juin étant le Mois du patrimoine italien, je suis honoré d’avoir l’occasion de rendre hommage à l’héritage du sénateur Peter Bosa.
Grazie. Merci. Meegwetch.
AFFAIRES COURANTES
L’ajournement
Préavis de motion
L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :
Que, lorsque le Sénat s’ajournera après l’adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu’au mardi 10 juin 2025, à 14 heures.
[Français]
L’Assemblée parlementaire de la Francophonie
L’anniversaire de commémoration du génocide au Rwanda, tenu les 6 et 7 avril 2024—Dépôt du rapport
L’honorable Éric Forest : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF) concernant la participation de Francis Drouin, député, président de l’APF, au 30e anniversaire de commémoration du génocide au Rwanda, tenu à Kigali, au Rwanda, les 6 et 7 avril 2024.
Les réunions de la présidence de l’APF, tenues du 22 au 26 avril 2024—Dépôt du rapport
L’honorable Éric Forest : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF) concernant les réunions de la présidence de l’APF, tenues à Paris, en France, et à Luxembourg, au Luxembourg, du 22 au 26 avril 2024.
Les réunions de la Commission politique de l’APF et du Groupe de travail sur la réforme des Statuts de l’APF, tenues du 27 au 30 avril 2024—Dépôt du rapport
L’honorable Éric Forest : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF) concernant les réunions de la Commission politique de l’APF et du Groupe de travail sur la réforme des Statuts de l’APF, tenues à Luxembourg, au Luxembourg, du 27 au 30 avril 2024.
L’Assemblée régionale Afrique de l’APF, tenue les 28 et 29 mai 2024—Dépôt du rapport
L’honorable Éric Forest : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF) concernant la 30e Assemblée régionale Afrique de l’APF, tenue à Yaoundé, au Cameroun, les 28 et 29 mai 2024.
La réunion de l’Assemblée régionale de l’Europe, tenue du 11 au 13 novembre 2024—Dépôt du rapport
L’honorable Éric Forest : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF) concernant la 36e réunion de l’Assemblée régionale de l’Europe, tenue à Pristina, au Kosovo, du 11 au 13 novembre 2024.
La réunion de la Commission des affaires économiques, sociales et environnementales de l’APF et le colloque parlementaire économique, tenus du 2 au 4 avril 2025—Dépôt du rapport
L’honorable Éric Forest : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF) concernant la réunion de la Commission des affaires économiques, sociales et environnementales de l’APF et le colloque parlementaire économique, tenus à Budapest, en Hongrie, du 2 au 4 avril 2025.
[Traduction]
PÉRIODE DES QUESTIONS
Les affaires mondiales
Les relations sino-canadiennes
L’honorable Michael L. MacDonald : Sénateur Gold, ma question est simple mais urgente.
Comme le savent les Canadiens, Pékin a riposté aux nouveaux droits de douane imposés par le Canada sur les véhicules électriques chinois en ciblant les exportations canadiennes de fruits de mer, ce qui menace directement des milliers d’emplois en Nouvelle-Écosse et dans l’ensemble du Canada atlantique. Les nombreuses communautés de pêcheurs de la région, qui n’ont absolument rien à voir avec le secteur des véhicules électriques, sont pris entre deux feux, puisque cette situation s’ajoute aux politiques protectionnistes et aux droits de douane des États-Unis. L’industrie de la pêche canadienne se retrouve donc avec un accès restreint à ses deux principaux marchés. Les droits de douane imposés par les États-Unis s’élèvent à 10 % et ceux qu’impose Pékin, à 25 %.
Pourquoi le Canada atlantique devrait-il être pénalisé à cause des mauvaises décisions d’affaires d’Ottawa?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de votre question. Je vous remercie de mettre en lumière, pour les sénateurs et les gens qui nous regardent, les conséquences qu’ont ces droits de douane pour le secteur de la pêche dans votre province et votre région. J’ajouterais que ces conséquences qui se font aussi ressentir dans beaucoup d’autres secteurs — notamment l’agriculture et le canola — dont dépendent les entreprises et les familles canadiennes.
Le gouvernement a été très clair quant à la manière dont il entend aborder ses relations avec la Chine. Il agira toujours, en tout temps, dans l’intérêt supérieur des Canadiens de manière à défendre leurs intérêts nationaux. Il traitera avec la Chine de manière pragmatique et ciblée et il créera une base différente et solide dans les domaines où nous pouvons collaborer, lorsque c’est dans l’intérêt du Canada.
À cet égard, le gouvernement collabore avec ses partenaires afin d’évaluer la meilleure façon de procéder dans le cadre de cette relation toujours complexe avec un pays qui s’affirme sur la scène internationale d’une manière qui nous oblige à réagir avec beaucoup de prudence, de vigilance et de diligence.
Le sénateur MacDonald : Sénateur Gold, la Chine utilise ces droits de douane en guise de représailles contre notre position sur les droits de douane.
Le gouvernement a-t-il songé aux conséquences des représailles chinoises avant d’imposer des droits de douane de 100 % sur les véhicules électriques provenant de Chine? Nous entendons dire que les investissements de plusieurs millions de dollars dans des usines de batteries pour véhicules électriques, qui ont été utilisés pour justifier les droits de douane, font déjà face à des retards et à de l’incertitude. Nous ne savons pas si l’usine au Québec verra le jour, et Stellantis a arrêté toute sa production et toute progression.
Est-ce que cela valait la peine de mettre en péril des secteurs d’exportation clés comme ceux des produits de la mer et l’agriculture pour protéger une stratégie en matière de véhicules électriques qui pourrait ne jamais voir le jour?
Le sénateur Gold : L’ensemble de la structure du commerce international et, par extension, les relations internationales, est bouleversé par des initiatives qu’aucun gouvernement, parti politique ou dirigeant canadien n’a jamais souhaitées, mais qui sont désormais réalité. Le gouvernement concentre toute son attention sur la traversée de cette période difficile dans un monde qui évolue rapidement. Les Canadiens peuvent avoir confiance que ce gouvernement — un gouvernement qui a l’appui de millions de Canadiens et qui collabore étroitement avec les premiers ministres provinciaux et territoriaux, les dirigeants autochtones, les chefs d’entreprise et les dirigeants syndicaux —, tracera la meilleure voie à suivre pour le Canada.
(1430)
L’avenir nous le dira, mais le gouvernement est déterminé à aider les Canadiens à relever les défis actuels et à tracer la voie à suivre dans ces temps très difficiles.
Les finances
La transparence financière
L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Sénateur Gold, votre gouvernement prévoit la plus importante émission de titres d’emprunt de l’histoire du Canada, surpassant même le niveau record atteint pendant la pandémie, à un moment où les investisseurs étrangers fuient notre marché obligataire et où les coûts d’emprunt sont déjà en forte hausse. Le rendement des obligations de 10 ans a bondi de plus de 50 points de base depuis avril, mais le gouvernement refuse de présenter un budget avant l’automne, soit plusieurs mois après le début de l’exercice financier.
Les investisseurs, les analystes et les agences de notation tirent tous la sonnette d’alarme : manque de transparence, incertitude budgétaire et dépendance excessive à l’égard d’une demande étrangère qui s’amenuise. Les Canadiens sont confrontés à une hausse des taux hypothécaires, à un ralentissement des investissements et à une dette nationale croissante, sans aucune cible budgétaire crédible à l’horizon.
Pourquoi ce gouvernement met-il en péril la stabilité financière du Canada en émettant une quantité record de titres d’emprunt dans un marché obligataire instable, sans plan ni budget, alors que les investisseurs étrangers se retirent et que la confiance s’effondre?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie d’avoir posé cette question et souligné qu’il est important de gérer les affaires économiques de façon transparente et responsable en cette période mouvementée. Le gouvernement a indiqué très clairement qu’il présenterait un budget à l’automne.
Compte tenu de l’incertitude et des changements carrément quotidiens en lien avec la structure des tarifs douaniers qui nous est imposée, sans parler des fluctuations dans le marché obligataire, qui sont provoquées en grande partie par les mesures prises par les États-Unis, en particulier la politique tarifaire, il serait irresponsable et inutile de présenter dès maintenant un document qui ressemble de près ou de loin à un budget.
Le premier ministre a été élu avec le mandat de guider le Canada et de faciliter la transformation de l’économie en cette période difficile, et les Canadiens peuvent s’attendre à ce que cela reste une priorité et un objectif. Ils peuvent également se réjouir, car, à l’automne, lorsque les informations cesseront de changer et que la situation se sera stabilisée, on leur présentera un budget qui leur donnera une image précise de la situation.
La sénatrice Martin : Monsieur le leader, plus le gouvernement tarde à dévoiler son budget, plus la situation empire. Ce n’est pas à l’automne que les marchés obligataires réagiront, ils le font dès maintenant. Les créanciers étrangers observent la situation et font marche arrière.
Le gouvernement s’attend-il sérieusement à ce que les Canadiens croient qu’il peut emprunter des sommes record et retarder la reddition de comptes tout en continuant de protéger l’avenir économique du pays? Ce report n’est-il pas simplement un moyen de dissimuler qu’il prévoit des dépenses qui dépassent, il le sait, la capacité des marchés et des Canadiens?
Le sénateur Gold : Merci de votre question. Comme je l’ai dit, il serait irresponsable et trompeur de fournir des prévisions à ce stade-ci. Il serait irresponsable et trompeur de faire autre chose que ce que fait actuellement le gouvernement, c’est-à-dire travailler sans relâche avec les premiers ministres provinciaux, les chefs d’entreprise, les dirigeants industriels et les leaders autochtones afin de tracer la voie à suivre.
Comme nous le savons tous grâce aux réunions qui ont eu lieu et qui continueront d’avoir lieu, le gouvernement actuel se concentre et continuera de se concentrer sur les questions économiques dans l’intérêt des Canadiens.
L’environnement et le changement climatique
Les émissions de carbone
L’honorable Mary Coyle : Sénateur Gold, comme vous le savez, la croissance de l’économie canadienne, la lutte contre les changements climatiques et la poursuite de la tendance mondiale à la décarbonation sont des impératifs nationaux. Les Canadiens comprennent l’urgence de lancer davantage de projets nationaux et de rendre les industries plus concurrentielles. En même temps, ils veulent être rassurés que le gouvernement compte toujours respecter ses engagements en matière de climat. Le Groupe consultatif pour la carboneutralité du Canada affirme que « [...] la décarbonisation est une occasion unique d’accroître la prospérité économique et l’emploi, ainsi que [d’améliorer] la santé humaine et environnementale ».
L’an dernier, le gouvernement a annoncé un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2035 de 45 % à 50 % par rapport aux niveaux de 2005. En 2023, les émissions du Canada n’avaient diminué que de 8,5 %.
Sénateur Gold, le gouvernement est-il toujours déterminé à atteindre l’objectif 2035 et les objectifs climatiques définis dans la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité adoptée dans cette enceinte en 2021?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question, sénatrice. Le gouvernement reste déterminé à atteindre ses objectifs, et il réalise des investissements qui permettront de réduire les émissions, de relancer la croissance économique au Canada et d’ouvrir de nouveaux marchés d’exportation avec des pays qui partagent nos valeurs et qui veulent ce que nous avons à offrir; en fait, ils en ont besoin.
En travaillant à bâtir une économie canadienne plus forte, le gouvernement ne perdra pas de vue les choix que ses décisions auront sur les générations futures, sur notre environnement et sur les êtres humains et les espèces qui dépendent d’un environnement sain. Le gouvernement sera toujours attentif à la viabilité à long terme de ses plans de croissance économique et à la préservation d’un environnement sain pour les générations à venir.
La sénatrice Coyle : Merci beaucoup, sénateur Gold. J’espère sincèrement que nous serons en mesure de respecter les engagements chiffrés qui ont été pris.
J’ai été ravie de constater que le discours du Trône faisait mention de l’engagement en matière de biodiversité pris lors de la COP15, qui vise à protéger 30 % des terres et des eaux de la planète d’ici 2030 et de la promesse du gouvernement de créer de nouveaux parcs nationaux, de nouveaux parcs urbains nationaux et de nouvelles zones marines protégées.
Sénateur Gold, pourriez-vous nous donner plus de détails sur le plan et l’échéancier du gouvernement concernant ces nouvelles initiatives passionnantes en matière de conservation?
Le sénateur Gold : Merci de souligner l’engagement du gouvernement à protéger de plus vastes zones de notre merveilleux pays, tant sur terre que dans les milieux marins. Malheureusement, je ne suis pas en mesure de commenter ou de fournir des renseignements sur le calendrier de ces travaux. Je suis toutefois convaincu qu’ils seront menés avec sérieux et diligence.
Les affaires mondiales
Le soutien à l’Ukraine
L’honorable Stan Kutcher : Sénateur Gold, aujourd’hui, j’ai assisté, aux côtés des sénatrices Dasko et Simons, à une cérémonie de commémoration pour les enfants ukrainiens qui ont été tués depuis le début de l’invasion à grande échelle de la Russie. Plus de 630 enfants innocents ont perdu la vie et plus de 2 000 ont été blessés, ce qui représente 16 enfants tués ou blessés chaque jour.
Que fait le Canada exactement pour empêcher la Russie de tuer ces innocents? Pourquoi le Canada ne contribue-t-il pas à protéger l’espace aérien contre les missiles et les drones russes qui visent des cibles civiles? Plus précisément, le Canada va-t-il intervenir et superviser la création d’un bouclier aérien?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question et de nous rappeler les ravages causés par cette guerre illégale déclenchée par la Russie contre l’Ukraine.
Le Canada demeure déterminé à soutenir l’Ukraine dans la défense de son indépendance face à l’agression brutale de la Russie. L’engagement du gouvernement envers l’Ukraine restera inébranlable, comme l’a clairement indiqué le gouvernement.
À ma connaissance, sénateur, lors de la Conférence de Munich sur la sécurité, les ministres des Affaires étrangères du G7 ont souligné leur engagement à travailler ensemble pour contribuer à l’instauration d’une paix durable et d’une Ukraine forte et prospère, en plus de réaffirmer la nécessité d’unir nos efforts pour obtenir des garanties de sécurité fermes afin d’assurer la sécurité de l’Ukraine, de mettre fin à la guerre et d’empêcher qu’elle ne reprenne.
Le sénateur Kutcher : Merci beaucoup, sénateur Gold. Je ne peux m’empêcher de remarquer que les garanties ne sauvent pas de vies.
La Russie aurait volé plus de 700 000 enfants ukrainiens. Comme nous le savons au Sénat, il s’agit d’un génocide. En février 2024, le Canada a annoncé qu’il dirigerait, avec l’Ukraine, une coalition internationale pour le retour des enfants ukrainiens volés par la Russie. Je crois comprendre que depuis ce temps, seulement environ 1 000 enfants ont été retournés à leur famille. Quelles mesures précises le Canada prendra-t-il maintenant pour améliorer ce résultat lamentable?
(1440)
Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question. En ce qui concerne la coalition, mes collègues devraient savoir que, depuis son annonce, 41 États, ainsi que le Conseil de l’Europe, se sont joints à elle en s’engageant collectivement à ramener les enfants ukrainiens chez eux. Je crois comprendre que l’invitation à y adhérer demeure ouverte à tout pays souhaitant contribuer à cette mission fondamentale et que l’Engagement de Montréal est une feuille de route pour trouver des solutions pratiques permettant de mener cette mission à bien. Je crois comprendre qu’au moins 53 pays et organisations multilatérales ont signé cet engagement. Le Canada espère continuer à participer à cette importante tâche.
L’infrastructure et les collectivités
L’utilisation des terres agricoles
L’honorable Robert Black : Sénateur Gold, comme vous le savez, le gouvernement libéral a exprimé clairement son intention de faire construire davantage de logements afin de résoudre la crise du logement au Canada. Cependant, à l’instar du secteur agricole, je crains que ces engagements soient honorés en construisant des logements sur des terres agricoles de première qualité, qui commencent déjà à se faire rares partout au Canada. Il peut sembler pratique de construire des logements sur ces terres, mais utiliser davantage de terres agricoles affaiblira notre capacité à demeurer un pays souverain sur le plan alimentaire et à nourrir notre population, sans parler du reste du monde.
Nous perdons rapidement des terres agricoles de première qualité au profit de l’urbanisation et de la construction de logements et d’infrastructures. Une fois que les terres agricoles ont disparu, elles sont perdues à jamais. Nos terres sont précieuses, et nous devons les protéger. Sénateur Gold, pouvez-vous nous expliquer comment le gouvernement entend tenir ses promesses en matière de logement tout en accordant la priorité à la protection des terres agricoles, qui disparaissent de plus en plus et dont nous avons besoin pour nourrir notre pays?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Il s’agit d’une question importante. Comme je l’ai dit à maintes reprises, le gouvernement a un plan sérieux et à plusieurs volets pour construire davantage de logements, que ce soit en agissant comme un promoteur pour construire des logements abordables, en éliminant la TPS pour les acheteurs d’une première maison ou en réduisant de moitié les droits d’aménagement municipaux pour les immeubles à logements multiples. Cette initiative s’appuie sur le Fonds pour accélérer la construction de logements et sur des accords conclus avec près de 200 collectivités au pays.
Cela dit, monsieur le sénateur, comme vous le savez, la protection des terres agricoles est extrêmement importante pour la santé et le bien-être du Canada et de l’économie, mais l’affectation du sol relève de la compétence des provinces, à l’exception, bien sûr, des terres de la Couronne. Il s’agit d’une question dont tous les ordres de gouvernement sont saisis, et le gouvernement fédéral y contribue dans les limites de sa compétence. Je vous remercie d’avoir soulevé cette question.
Le sénateur Black : Merci, sénateur Gold. Je comprends la nécessité de construire des logements et des infrastructures pour soutenir la croissance démographique. Cependant, ce développement ne doit pas compromettre la capacité à produire des aliments, des fibres et des carburants. Veillerez-vous à ce que le gouvernement tienne compte de la protection des terres agricoles de première qualité et de la santé intrinsèque des sols dans tous ses futurs plans de développement et à ce qu’il en fasse une priorité?
Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question et, si vous me le permettez, du travail important accompli par le comité que vous avez présidé sur l’importance de la santé des sols pour notre environnement et notre économie.
Encore une fois, veuillez pardonner au constitutionnaliste en moi de souligner qu’il s’agit en grande partie d’une question de compétence provinciale. Je ne manquerai pas de porter ces préoccupations à l’attention du ministre afin que le gouvernement fédéral en tienne compte dans les efforts déployés dans ce domaine.
La sécurité publique
Postes Canada
L’honorable Marty Klyne : Sénateur Gold, je suis ravi que le projet de loi C-2 remplisse la promesse électorale du gouvernement de modifier la Loi sur la Société canadienne des postes pour autoriser la police, moyennant l’obtention d’un mandat, à fouiller les envois postaux afin de détecter la présence de fentanyl ou d’autres produits de contrebande, comme les services de messagerie privés sont autorisés à le faire. Il s’agit d’un changement que le sénateur Dalphond réclame depuis 2022 par la voie du projet de loi S-256, que le Comité sénatorial des affaires juridiques a appuyé l’année dernière. Toutefois, le comité avait apporté un amendement afin de permettre aux nations autochtones d’autoriser Postes Canada à effectuer des contrôles du courrier à destination de leur territoire dans le but de détecter la présence de drogues illégales. Cette demande émane de l’Assemblée des chefs du Manitoba et du Conseil Mushkegowuk, qui représentent 70 Premières Nations. Or, cet élément ne figure pas dans le projet de loi C-2. Pourriez-vous soulever auprès du gouvernement la possibilité d’inclure cette mesure de contrôle par la voie d’un amendement?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de poser cette question, de défendre cette cause et de souligner le travail du sénateur Dalphond, de même que celui du Comité des affaires juridiques relativement à l’étude du projet de loi du sénateur Dalphond à la législature précédente. Oui, je vais certainement soulever la question à la première occasion auprès du ministre, et une fois que le Sénat aura été saisi du projet de loi, nous aurons de nouveau l’occasion d’en discuter.
Le sénateur Klyne : Selon le projet de loi C-15, adopté en 2021, le plan d’action visant à atteindre les objectifs de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones oblige le gouvernement à prendre, en consultation avec les peuples autochtones, les mesures nécessaires pour veiller à ce que les lois fédérales soient compatibles avec la déclaration. Cela inclut la Loi sur la Société canadienne des postes. L’autodétermination, bien sûr, comprend des mesures raisonnables pour prévenir la contrebande dans les communautés. Pourriez-vous également soulever cet aspect de la modification potentielle?
Le sénateur Gold : Merci encore, sénateur, pour votre question. Le gouvernement est effectivement déterminé à mettre en œuvre le plan d’action auquel vous faites référence. Il poursuivra son partenariat avec les peuples autochtones pour en assurer l’exécution sans encombre, et j’ajouterai cette question à celles que j’aborderai avec la ministre.
[Français]
Le contrôle des armes à feu
L’honorable Leo Housakos (leader de l’opposition) : Ma question s’adresse au leader du gouvernement.
Lors de l’étude du projet de loi C-5, l’inspecteur-chef David Bertrand, du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), a déclaré ce qui suit en comité :
[...] il y a une présence accrue d’armes à feu chez les jeunes [...]
[...] éliminer les peines minimales obligatoires aurait des répercussions sur la perception du public quant à la gravité de ces crimes et, du même coup, provoquerait une banalisation, voire un sentiment d’impunité [...]
Chers collègues, deux ans plus tard, à Laval seulement, 40 % des cas de violence armée impliquent désormais des mineurs, des adolescents âgés de 14 à 17 ans recrutés par des gangs armés. Allez-vous enfin reconnaître que la politique soft on crime, et notamment le projet de loi C-5, a échoué à protéger les Canadiens et les Canadiennes, et allez-vous en abroger les dispositions?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question. Il est évident que le problème des armes à feu et de la violence dans nos communautés est une préoccupation importante et légitime dans ce pays. Néanmoins, le gouvernement est d’avis que l’heure approche pour ce qui est d’augmenter le nombre d’agents à nos frontières. Une augmentation considérable du nombre d’agents de la GRC constitue une réponse importante à cet enjeu.
En même temps, le gouvernement a annoncé dans sa plateforme électorale d’autres mesures visant à faire en sorte que le Code criminel puisse être modifié pour mieux protéger les Canadiens et les Canadiennes.
Le sénateur Housakos : Honorables sénateurs, selon Statistique Canada, la criminalité violente impliquant des armes à feu était 22 % plus élevée en 2023 qu’en 2018, et 55 % plus élevée qu’en 2013. Sénateur Gold, comment les Canadiens peuvent-ils faire confiance au gouvernement libéral pour lutter contre la violence armée alors qu’il a éliminé les peines minimales obligatoires pour les infractions liées aux gangs, comme l’utilisation d’armes à feu pour commettre un crime, la possession d’une arme obtenue lors d’un crime, le fait de tirer avec une intention criminelle ou encore le vol qualifié à main armée?
Le sénateur Gold : Je vous remercie de la question. Chers collègues, il y a, depuis assez longtemps, une différence nette et claire entre la position de ce gouvernement et celle de l’opposition officielle à l’autre endroit.
Le gouvernement va continuer de mettre l’accent sur les actions concrètes sur le terrain afin de protéger les Canadiens et d’empêcher encore davantage l’importation au Canada des armes à feu provenant des États-Unis. Il s’agit d’un grand problème à nos frontières et nous pourrons y accorder des ressources additionnelles. Nous allons continuer à agir de façon pragmatique pour mieux protéger nos communautés.
(1450)
[Traduction]
Les finances
La responsabilité financière
L’honorable Leo Housakos (leader de l’opposition) : Ma question s’adresse, encore une fois, au leader du gouvernement au Sénat.
Le Budget principal des dépenses de 2025-2026 met en évidence une tendance préoccupante dans la façon dont le gouvernement fédéral dépense et gère ses fonds. Près de la moitié des dépenses gouvernementales doivent désormais être approuvées chaque année par le Parlement, ce qui représente une forte augmentation par rapport à il y a 10 ans, où ce chiffre était d’environ le tiers. Cette augmentation des dépenses votées témoigne d’une forte dépendance à l’égard de programmes à court terme plutôt que de cadres législatifs stables. Les Canadiens en voient les conséquences — moins de prévisibilité, plus de bureaucratie —, et il est de plus en plus difficile pour les provinces et les parties prenantes de faire leur planification en toute confiance.
Monsieur le leader, pourquoi le gouvernement que vous représentez privilégie-t-il des initiatives temporaires, souvent très ciblées, au détriment de la planification et de la stabilité financières à long terme que méritent les Canadiens? Les Canadiens ont un nouveau premier ministre libéral, mais il semble reprendre les bonnes vieilles habitudes libérales.
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Vous me pardonnerez si je vous renvoie le compliment en soulignant que votre question reprend de vieux arguments des conservateurs.
C’est une question sérieuse : comment le gouvernement canadien gère-t-il nos affaires et comment gère-t-il ses propres affaires? Il a clairement indiqué que sa priorité consiste à mettre en place de grands projets d’importance nationale afin de bâtir l’une des économies les plus fortes, sinon la plus forte, du G7. Cependant, les services et les avantages que notre économie offrira à nos concitoyens sont plus importants que son classement mondial.
Le travail ne fait que commencer, mais il démarre rapidement et avec un sentiment d’urgence. En collaboration avec les premiers ministres provinciaux, les intervenants, les dirigeants autochtones et les dirigeants d’entreprises et de syndicats, le gouvernement met l’accent sur la réalisation de projets à long terme qui créeront de meilleurs emplois — et, même, de meilleures carrières — pour des générations de Canadiens. C’est ce que les Canadiens attendent du gouvernement, et le gouvernement répondra à leurs attentes.
Le sénateur Housakos : Sénateur Gold, je ne veux pas me lancer dans un débat ici pour savoir qui utilise le mieux les notes d’allocution. L’essentiel est que l’opposition pose des questions très légitimes sur la planification, la stabilité et la transparence en matière de finances. Nous ne devrions pas les délégitimer en les qualifiant de notes d’allocution.
Monsieur le leader du gouvernement, une augmentation des dépenses votées était compréhensible pendant la pandémie — nous avons même fait preuve de coopération —, mais on aurait pu s’attendre à ce que les chiffres reviennent à la normale après l’arrêt des programmes liés à la pandémie. Au lieu de cela, la tendance s’est aggravée.
Pourquoi le gouvernement gouverne-t-il avec des mesures provisoires et une budgétisation réactive au lieu d’assurer une gestion financière stable, responsable et transparente que les Canadiens sont en droit d’exiger et dont ils bénéficiaient à une certaine époque?
Le sénateur Gold : Je n’ai pas remis en question la légitimité de ces questions dans ma réponse, je ne l’ai jamais fait et je ne le ferai jamais. Je pense que le hansard montrera que j’ai reconnu l’importance de ces questions. Le gouvernement actuel s’efforce tout simplement de faire progresser le Canada en prenant des mesures audacieuses et importantes qui, si elles sont couronnées de succès, donneront au Canada l’élan nécessaire sur le plan structurel pour assurer un avenir économique durable et stable à tous les Canadiens.
Les relations Couronne-Autochtones
Le processus d’examen externe
L’honorable Paul (PJ) Prosper : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat.
Sénateur Gold, le 8 juillet 2024, la ministre des Pêches et des Océans de l’époque, Diane Lebouthillier, a annoncé la tenue d’un examen externe sur un incident impliquant des agents du ministère. En effet, deux jeunes pêcheurs mi’kmaqs ont raconté qu’ils avaient été victimes de mauvais traitements et qu’on les avait abandonnés sans chaussures en mars 2024. Les trois membres mi’kmaqs du groupe d’examen ont été approuvés par décret, mais ils n’ont pas été embauchés.
Sénateur Gold, quand le gouvernement respectera-t-il son engagement à l’égard de la réconciliation et de la transparence en tenant cet examen externe?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre question et de votre travail dans ce dossier. Cet incident demeure très troublant, et le gouvernement prend des mesures pour y donner suite.
Je n’ai pas de calendrier précis pour la tenue de l’examen, mais on m’a informé que le travail est en cours.
Le sénateur Prosper : Sénateur Gold, lors de mes dernières conversations officielles sur ce sujet avec le ministère des Pêches et des Océans et le ministère des Relations Couronne-Autochtones, j’ai appris que le ministère des Pêches et des Océans demanderait à une tierce partie de procéder à l’examen, tandis que le ministère des Relations Couronne-Autochtones superviserait le marché afin d’éviter un conflit d’intérêts potentiel.
Pouvez-vous nous dire si ce marché a fait l’objet d’un appel d’offres et nous confirmer qui le supervisera? Merci.
Le sénateur Gold : Je vous remercie de la question.
À l’heure actuelle, franchement, je ne sais pas si le marché a été attribué, mais je vais certainement soulever cette question auprès de la ministre dans les jours à venir.
ORDRE DU JOUR
Le discours du Trône
Motion d’adoption de l’Adresse en réponse—Suite du débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Gold, c.p., appuyée par l’honorable sénatrice LaBoucane-Benson,
Que l’Adresse, dont le texte suit, soit présentée à Sa Majesté le roi :
À Sa Très Excellente Majesté Charles Trois, par la grâce de Dieu, Roi du Canada et de ses autres royaumes et territoires, Chef du Commonwealth.
QU’IL PLAISE À VOTRE MAJESTÉ :
Nous, sujets très dévoués et fidèles de Votre Majesté, le Sénat du Canada, assemblé en Parlement, prions respectueusement Votre Majesté d’agréer nos humbles remerciements pour le gracieux discours que Votre Majesté a adressé aux deux Chambres du Parlement.
L’honorable Iris G. Petten : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour prononcer mon premier discours de la 45e législature en réponse au discours du Trône.
Le 27 mai 2025, nous nous sommes réunis ici, dans la Chambre haute, pour entendre le discours du Trône prononcé par Sa Majesté le roi Charles III. Cela faisait près de 50 ans qu’un monarque régnant avait prononcé un discours du Trône en personne. Les Canadiens d’un océan à l’autre ont célébré cet événement historique qui a réaffirmé les liens durables qui unissent le Canada, la Couronne et nos partenaires aux vues similaires.
Cet événement a eu une importance toute particulière pour moi, qui suis Terre-Neuvienne et fière de mes origines. En effet, Terre-Neuve-et-Labrador entretient depuis longtemps des liens étroits avec le Royaume-Uni et la monarchie. Nous sommes la plus jeune province du Canada, car sommes entrés dans la Confédération il y a seulement 75 ans, un jalon que nous avons célébré l’année dernière. Nombreux sont les Terre-Neuviens qui sont nés alors que la province avait le statut de dominion britannique indépendant, qui était réputé pour sa loyauté envers le roi et le pays.
En fait, on me prend parfois pour une Anglaise à cause de mon accent. Les dialectes anglais traditionnels de Terre-Neuve-et-Labrador portent l’héritage linguistique distinct de nos ancêtres, qui, dans mon cas, proviennent en grande partie du Sud-Ouest de l’Angleterre, en particulier du Dorset et du Devon, ou bien, dans le cas d’autres collègues, notamment le sénateur Manning, du Sud-Est de l’Irlande. Notre patrimoine linguistique unique est un rappel vivant de nos liens historiques profonds avec les îles Britanniques.
Ce fut un immense honneur d’être la première sénatrice à prêter serment d’allégeance à Sa Majesté le roi Charles III, trois jours seulement après son couronnement en 2023. Pour marquer son accession au trône, j’ai voulu célébrer cet événement en rassemblant ma communauté. J’ai donc organisé un thé d’honneur au salon de thé Canon Richards dans ma ville natale, à Port de Grave. Des habitants de la région ont fait don de tasses et de soucoupes pour marquer l’occasion, ce qui a rendu l’événement encore plus spécial. C’est dans ce même salon de thé que j’ai eu le privilège de remettre la Médaille du couronnement du roi Charles III à des membres méritants de la collectivité.
Il y a un autre lien que je tiens à souligner. La page couverture du discours du Trône de cette année présente une image du parc national du Gros-Morne, qui est l’un des paysages les plus emblématiques de Terre-Neuve-et-Labrador. La photo, prise par le photographe canadien Jake Graham, donne un magnifique aperçu de l’environnement naturel de notre province et inclut ainsi une partie de Terre-Neuve-et-Labrador dans l’art qui agrémente la vie politique nationale.
(1500)
Honorables collègues, ma province est visitée régulièrement par des membres de la famille royale, et bon nombre d’habitants de Terre-Neuve-et-Labrador ont une histoire à raconter sur leur rencontre avec un membre de la famille royale. La dernière visite du roi Charles III au Canada remonte à 2022, et Terre-Neuve-et-Labrador faisait partie de son itinéraire.
Au cours de cette visite, alors que je marchais avec un ami de la collectivité de pêcheurs historique de Quidi Vidi, j’ai croisé Leurs Majestés — le roi et la reine — en train de déguster une crème glacée. C’était un moment charmant que la collectivité accueillait avec joie. Le propriétaire de l’établissement a nommé des saveurs de crème glacée en leur honneur et, inspiré par l’amour du prince Charles pour les gâteaux gallois, il a créé une coupe glacée avec de la crème glacée molle, des bleuets, de la confiture et des miettes de biscuit Graham.
Pour de nombreux Terre-Neuviens, ce lien étroit avec la Couronne semble tout à fait naturel. À l’époque où j’étais écolière à Port de Grave, nous chantions God Save the Queen tous les vendredis pour terminer la semaine. À St. John’s, où je vis aujourd’hui, les bâtiments publics et les monuments rappellent partout la famille royale. Le stade principal de la ville, baptisé Memorial Stadium en l’honneur de ceux qui ont servi, arborait un portrait si grand de la défunte reine Elizabeth II au-dessus du hall supérieur que, lors des matchs de hockey ou des concerts, on avait l’habitude de se donner rendez-vous « près de la reine ».
Le lien qui unit le Canada et la Couronne est tout aussi ancien et profondément enraciné. C’est une histoire qui comporte des chapitres sombres et difficiles, que nous ne devons jamais oublier. Mais c’est aussi une histoire qui regorge d’histoires remarquables de force, de résilience, d’espoir et de liens qui ne peuvent être oubliés.
Lors de mon dernier voyage à Londres, j’ai visité la porte du Canada et la porte de Terre-Neuve, toutes les deux situées en face du palais de Buckingham, dans Green Park. Debout à l’entrée d’un magnifique parc royal créé par le roi Charles II en 1660, on se trouve à proximité du Mémorial du Canada, qui rend hommage aux plus de 100 000 Canadiens et Terre-Neuviens qui ont fait le sacrifice ultime, nous rappelant une fois de plus les liens étroits qui unissent nos deux pays et le prix énorme que nous avons fièrement payé pour défendre nos valeurs communes.
En tant que Terre-Neuvienne et Labradorienne, je suis parfaitement consciente de ce que signifie le fait d’avoir à la fois une identité régionale distincte et une identité nationale plus générale. Bien que notre province ait été la dernière à renoncer à son indépendance pour se joindre à la Confédération, cette décision, quoique très complexe, témoignait de la conviction qu’il est possible d’avoir une identité individuelle et une identité nationale plus générale qui coexistent.
Sa Majesté l’a magnifiquement souligné dans son discours du Trône lorsqu’elle a déclaré :
J’ai toujours eu la plus grande admiration pour l’identité sans pareille du Canada, laquelle est reconnue dans le monde entier, pour le courage dont vous avez fait preuve et les sacrifices que vous avez consentis afin de défendre vos valeurs nationales, et pour la diversité et la gentillesse des Canadiens et des Canadiennes.
Ces paroles nous rappellent ce que nous sommes en tant que Canadiens et en tant que membres d’une fédération diversifiée et résiliente. Elles nous rappellent également l’histoire vivante que nous portons et l’avenir que nous continuons de façonner ensemble.
Merci.
L’honorable Judy A. White : C’est en tant que fière sénatrice des Premières Nations que j’interviens aujourd’hui en réponse au discours du Trône.
C’est à la fois un honneur et un privilège de siéger dans cette honorable assemblée parmi d’estimés collègues, dans ce lieu où des voix venues de tous les horizons façonnent l’avenir du pays.
Mais le jour du discours du Trône, quand j’ai parcouru la salle du regard et que j’ai vu plusieurs dirigeants autochtones parés de leurs tenues traditionnelles et cérémoniales qui affichaient fièrement leur culture et leur identité, ma fierté a atteint un nouveau sommet. Leur présence était plus que symbolique. Elle était puissante. Ce moment affirmait notre présence, notre résilience et notre place légitime dans le tissu de cette nation.
Je me rappelle sans cesse que c’est à la fois un privilège et une profonde responsabilité de siéger au Sénat, un lieu qui, pendant trop longtemps, ne reflétait pas toute la diversité et la vigueur des peuples qui vivent sur ces terres. Et maintenant, nous sommes 12. Le cercle commence à se refermer, et les voix des Premières Nations, des Inuit et des Métis se font entendre dans des espaces où elles étaient autrefois interdites ou réduites au silence.
Notre présence est un rappel que les peuples autochtones ne sont pas en marge de l’histoire du Canada; nous sommes en son cœur. Nous sommes des partenaires des traités. Nous avons des droits. Nous avons une relation de nation à nation. Malgré les tentatives de nous éliminer, nous sommes ici et nous nous tenons fièrement sur ces terres dont nous sommes les gardiens depuis des temps immémoriaux.
Par conséquent, il est impératif que les peuples autochtones, en tant que titulaires de droits et nations distinctes, soient présents lors du discours du Trône. Ces cérémonies ne sont pas que des formalités historiques. Ce sont des obligations constitutionnelles qui nous obligent à réaffirmer les relations qui sont à la base de ce pays. Les traités ne sont pas des événements ponctuels du passé. Ce sont des ententes évolutives fondées sur le respect mutuel et le dialogue continu.
Certains traités entre la Couronne et les nations autochtones ont été conclus à l’origine en 1701 et sont communément qualifiés de traités historiques. Cependant, cela ne veut pas dire que ces documents peuvent être considérés comme de l’histoire ancienne et qu’ils ont en quelque sorte moins d’incidence sur les peuples autochtones aujourd’hui. Les traités représentent des engagements continus et des garanties sans équivoque de droits aux terres et à d’autres avantages pour les peuples autochtones. Ce sont des accords actifs qui existent en continuité et qu’il faut respecter en tout temps.
Les traités sont le fondement des relations respectueuses avec les peuples autochtones, que le Canada doit réaffirmer à l’ouverture de chaque législature dans le discours du Trône.
Par conséquent, la présence d’Autochtones dans cette enceinte lors d’événements comme le discours du Trône n’est pas seulement protocolaire, elle relève de la Constitution. Elle nous rappelle que l’édification du Canada s’est faite en partenariat avec les Premières Nations et non sans elles, et que ce partenariat exige la reconnaissance et l’inclusion de ces peuples, ainsi que leur participation aux plus hauts niveaux de gouvernance.
Nous reconnaissons que cette adresse est prononcée sur les terres de nos ancêtres, des terres qui ont nourri nos nations pendant des millénaires.
Le discours du Trône et mes observations d’aujourd’hui ont lieu sur le territoire non cédé du peuple algonquin anishinaabeg, qui doit encore faire face aux violences systémiques et coloniales qui ont suivi la colonisation de ce territoire. Il est important de reconnaître que ces terres n’ont jamais été cédées à la Couronne, et nous devons reconnaître notre responsabilité en tant que gardiens de cette terre, de ses eaux et de toutes nos relations.
Le discours du Trône reconnaît les Autochtones et affirme que toute vision d’un avenir commun doit nous inclure.
Nous apprécions cette reconnaissance. Cependant, nous rappelons à la Couronne et à ses représentants qu’une réconciliation authentique exige plus que des gestes symboliques. Elle exige la mise en œuvre intégrale du consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, tel qu’il est énoncé dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Il ne s’agit pas seulement d’un impératif moral, mais d’une norme internationale qui affirme notre souveraineté et notre droit de décider de ce qui se passe sur nos terres et de l’avenir de notre peuple.
La véritable liberté, celle qui est fondée sur la justice, exige la pleine reconnaissance et l’application de ce principe. Le gouvernement du Canada définit le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause comme suit :
[...] processus qui sont exempts de toute manipulation ou coercition, éclairés par des renseignements adéquats et opportuns, et qui ont lieu suffisamment avant une décision pour que les droits et les intérêts des Autochtones puissent être intégrés ou abordés efficacement dans le cadre du processus décisionnel [...]
(1510)
Il ne s’agit pas d’une suggestion. Il s’agit d’une obligation légale et d’un impératif moral, découlant d’une norme inscrite dans le droit international et faisant partie intégrante de notre engagement à l’égard de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Il s’agit d’une voie à suivre qui préserve la souveraineté autochtone et favorise un véritable partenariat.
Pourtant, comme bon nombre des collègues qui siègent au Comité des peuples autochtones avec moi s’en souviendront, nous recevons constamment des témoignages d’Autochtones qui ont subi des violations de leur droit au consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause. À d’innombrables reprises, le Canada a manqué à son devoir de mener des consultations appropriées auprès des Autochtones et a traité la consultation comme une simple case à cocher plutôt que comme un véritable processus de dialogue et d’élaboration des politiques et des projets de loi en partenariat.
Le discours du Trône fait référence au « Grand Nord fort et libre », mais pour de nombreuses Premières Nations, ce territoire n’est pas libre; il a été volé. On n’a pas demandé notre consentement. On a réduit nos voix au silence. On n’a pas tenu compte de nos lois. Le territoire a été occupé et divisé, trop souvent sans notre consentement et à un prix élevé pour nos communautés, nos cultures et les générations subséquentes.
Les Premières Nations ont été exploitées tout au long de l’histoire de notre pays. La colonisation a dépossédé les nations autochtones de leurs territoires, a supprimé leurs systèmes de gouvernance et a tenté d’effacer leurs identités. La véritable liberté consiste à se libérer de l’héritage du colonialisme. Elle signifie la restitution des terres, la reconnaissance de nos lois et de nos systèmes de gouvernance, le respect des traités et de véritables partenariats fondés sur l’égalité et le respect.
Aujourd’hui, les préjudices coloniaux persistent sous différentes formes, notamment la surincarcération des Autochtones, la crise des femmes et des filles autochtones disparues ou assassinées, la dégradation de nos terres et le déni de nos droits inhérents. En cette ère nouvelle marquée par le patriotisme, les affirmations de la souveraineté du Canada et les discussions sur l’édification de la nation, nous ne devons pas oublier que les ténèbres du passé continuent de hanter le présent. Nous devons rester fermes et confronter la réalité dans notre engagement envers une réconciliation réelle et véritable. Pour confronter la réalité, nous devons être prêts non seulement à reconnaître ces vérités, mais aussi à agir avec courage et conviction.
J’aimerais maintenant parler d’un élément de ma culture. Dans leur culture, les Mi’kmaqs ont un principe, celui du « double regard », que j’aimerais comparer à la « confrontation de la réalité » évoquée par Sa Majesté le roi Charles III dans le discours du Trône. Le double regard est un principe directeur inventé par l’Aîné Albert Marshall. Il fait référence à la capacité de voir d’un œil avec les forces du savoir autochtone et de l’autre avec les forces du savoir occidental, tout en utilisant les deux yeux ensemble pour le bien de tous. L’Aîné mi’kmaq Albert Marshall, d’Eskasoni, en Nouvelle-Écosse, le décrit ainsi :
Le double regard nous apprend à reconnaître la valeur de multiples modes de connaissance. Avec un œil, nous tirons parti du savoir autochtone, qui est ancré dans les liens, le territoire et le monde spirituel. Avec l’autre œil, nous tirons parti des perspectives scientifiques occidentales. L’objectif n’est pas de choisir l’une ou l’autre des visions, ni d’en faire une seule, mais de respecter et d’utiliser les deux là où elles sont les plus fortes.
Nous sommes donc invités à appréhender le monde du point de vue autochtone et du point de vue occidental, plutôt que de fusionner les deux en une seule approche. Le double regard respecte les forces de chacune des visions et souligne l’importance de l’apprentissage mutuel. Il encourage le respect mutuel et l’intégration de la sagesse autochtone et des connaissances scientifiques pour s’attaquer aux problèmes modernes complexes, en particulier dans les dossiers de la gérance de l’environnement et de la santé.
De façon semblable, un « regard lucide » renvoie généralement à un état d’esprit ou un point de vue réaliste et honnête, dépourvu d’illusions et de vœux pieux. Il met l’accent sur la nécessité de confronter la réalité telle qu’elle est, de reconnaître sa complexité et de prendre des décisions fondées sur des preuves, le discernement et le détachement émotionnel.
Pendant le discours du Trône, Sa Majesté a parlé du devoir de confronter la réalité, celle du passé et du présent, et elle a invoqué une vision d’unité, de responsabilité et de guérison. Nous affirmons que cette lucidité commence par la vérité — la vérité sur la dépossession des terres autochtones, sur les séquelles du colonialisme et sur la nécessité de respecter les droits des Autochtones, pas seulement en paroles, mais aussi en actes.
Cette approche lucide met l’accent sur la nécessité d’aller au-delà des discours romancés et de voir le monde et l’histoire tels qu’ils sont réellement, avec leurs défis et leurs contradictions. Elle nous invite à reconnaître les vérités pénibles et à agir de manière responsable, en particulier en ce qui concerne le patrimoine, l’environnement et la justice sociale. Dans cette enceinte, le roi a souligné qu’il nous fallait confronter la réalité, car notre monde n’a jamais été aussi dangereux et instable, et que le Canada était confronté à des défis qui, de notre vivant, sont sans précédent.
Dans un monde marqué par la complexité et l’introspection historique, il n’a jamais été aussi vital d’appeler les gens à considérer les questions avec clarté et humilité. Deux cadres distincts, mais philosophiquement harmonisés — la notion de lucidité exprimée par Sa Majesté et le principe mi’kmaq du double regard —, offrent des moyens complémentaires d’aborder la vérité, la réconciliation et le progrès. Ces deux cadres encouragent l’équilibre et l’humilité. Alors que le regard lucide recherche la vérité par la voie d’une honnêteté sans faille, le double regard construit la sagesse par la voie du dialogue et de la coexistence respectueuse de différentes visions du monde. Ainsi, ces deux approches ne peuvent être considérées comme opposées, mais comme complémentaires, chacune nous invitant à une conscience, une responsabilité et une attention supérieures dans notre façon de vivre et d’interagir avec les autres.
Si nous voulons aller de l’avant ensemble en tant que nations, et non en tant que sujets, nous devons en effet porter un regard lucide. Nous devons voir le passé tel qu’il était, le présent tel qu’il est et l’avenir tel qu’il peut être. Cet objectif exigera du courage de la part de la Couronne et de tous les ordres de gouvernement pour aller au-delà de la reconnaissance vers la justice.
Le discours du Trône se veut l’occasion de fixer un cap et d’énoncer les priorités d’un gouvernement. Faites que ce ne soit pas une nouvelle occasion ratée. Faites que ce soit le début d’un nouveau chapitre, un chapitre où l’on honore enfin les traités, où l’on respecte les compétences autochtones et où l’on embrasse un avenir véritablement partagé, construit non pas sur les fondations d’un empire, mais sur les principes du partenariat, de la paix et de la résurgence autochtone.
Honorables sénateurs, la réconciliation ne repose pas uniquement sur de bonnes intentions. Elle se construit par des actes qui rétablissent l’équilibre, qui honorent les traités, qui restituent les terres et qui respectent le champ de compétence des Autochtones. Elle se construit en reconnaissant que les Premières Nations ne sont pas des parties prenantes — nous sommes des ayants droit et nous formons des nations. La Couronne, par l’intermédiaire du Sénat, a la responsabilité de faire respecter cette vérité.
L’avenir que nous envisageons — un avenir partagé — n’est pas un avenir dans lequel nous sommes assimilés ou administrés, mais un avenir dans lequel nous sommes sur un pied d’égalité, les nations autochtones et l’État canadien marchant côte à côte, chacun avec ses propres lois, ses propres cultures et ses propres responsabilités.
Il ne suffit pas d’être vu. Il ne suffit même pas d’être entendu de nos jours. La présence de nos voix doit se traduire par des actions concrètes. Nous devons veiller à ce que la nature de la réconciliation soit à la hauteur des déclarations faites en grande pompe, à ce que les paroles soient suivies de mesures concrètes et à ce que la reconnaissance soit assortie à la reddition de comptes. Nous n’avons pas besoin d’un autre chapitre de paroles creuses. Entamons une nouvelle ère fondée sur le respect, le sens des responsabilités et la compréhension commune suivante : la justice pour les Premières Nations, c’est la justice pour tous.
Pendant que le Parlement établit ses priorités pour la session, soyons lucides et adoptons le principe du double regard pour faire progresser la justice, l’équité et l’autodétermination des peuples autochtones. Que ce soit au moyen de politiques en matière de logement, d’eau potable, d’éducation ou de mise en œuvre réelle de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, nous avons du travail à accomplir. Relevons ce défi avec courage et humilité. N’oublions jamais l’image des dirigeants autochtones, fiers de leurs traditions, se tenant debout là où nous avons toujours eu notre place, c’est-à-dire au cœur du pouvoir, de la culture et des possibilités de ce pays.
(Sur la motion de la sénatrice LaBoucane-Benson, le débat est ajourné.)
(1520)
Le Sénat
Motion concernant les délibérations du Sénat et des comités pour le reste de la présente session—Débat
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 3 juin 2025, propose :
Que, nonobstant toute disposition du Règlement, tout ordre antérieur ou toute pratique habituelle, pour le reste de la présente session :
1.dès l’adoption par le Sénat d’un rapport du Comité de sélection concernant la composition des comités ou l’adoption du présent ordre, selon la dernière éventualité, lorsque le Sénat siège un mercredi, la séance soit levée à 16 heures comme s’il s’agissait de l’heure fixée pour la clôture de la séance prévue au Règlement, à moins que le Sénat ait suspendu ses travaux pour la tenue d’un vote reporté ou que la séance soit levée plus tôt, à condition que si un vote est reporté à un mercredi, ou à plus tard ce même jour un mercredi, il ait lieu à 16 h 15, la Présidente interrompant les délibérations immédiatement avant la levée de la séance, mais au plus tard à 16 heures, pour suspendre la séance jusqu’à 16 h 15, heure de la tenue du vote reporté, la sonnerie se faisant entendre à compter de 16 heures;
2.lorsque le Sénat siège un jeudi, il siège à 13 h 30;
3.le Sénat invite tout ministre de la Couronne qui n’est pas membre du Sénat à participer aux travaux du Sénat, au moins une fois toutes les deux semaines où le Sénat siège, pendant la période des questions, à une heure et une date désignées par le représentant du gouvernement au Sénat, après consultation avec le leader de l’opposition et les leaders et facilitateurs de tous les partis reconnus et groupes parlementaires reconnus, en répondant aux questions ayant trait à ses responsabilités ministérielles, selon les dispositions du Règlement et les ordres alors en vigueur, sous réserve des dispositions suivantes :
a)ni les sénateurs qui posent des questions, ni le ministre lorsqu’il répond, ne doivent se lever;
b)le représentant du gouvernement au Sénat, en consultation avec le leader de l’opposition et les leaders et facilitateurs de tous les partis reconnus et groupes parlementaires reconnus, désigne le ministre qui comparaîtra lors d’une telle période des questions;
c)au début de l’ordre du jour, le représentant du gouvernement au Sénat ou la coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat informe le Sénat, dès que possible et à l’avance mais au plus tard à la séance qui précède le jour où le ministre doit comparaître, de l’heure et de la date de la période des questions avec un ministre, ainsi que du nom du ministre désigné;
d)si un vote par appel nominal coïncide avec le temps pour la période des questions avec un ministre conformément aux dispositions du présent ordre, ce vote soit reporté et ait lieu immédiatement après la période des questions;
e)si la sonnerie pour un vote retentit au moment de la période des questions avec un ministre conformément aux dispositions du présent ordre, elle cesse de se faire entendre pendant la période des questions et retentisse de nouveau à la fin de la période des questions pour le temps restant;
f)les sénateurs disposent au plus d’une minute pour poser toute question principale, les ministres disposent au plus d’une minute et trente secondes pour répondre à toute question principale, les sénateurs disposent au plus de 45 secondes pour poser une question supplémentaire et les ministres disposent au plus de 45 secondes pour répondre à une question supplémentaire;
g)la période des questions dure au plus 64 minutes;
4.lors de toute autre période des questions, les questions principales et les réponses soient limitées à une minute chacune, suivies d’un maximum d’une question supplémentaire par question principale, ces questions et réponses supplémentaires étant limitées à 30 secondes chacune;
5.le Comité de sélection soit un comité permanent;
6.le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants soit composé de 12 sénateurs, en plus des membres d’office, à condition que si des membres ont été nommés au comité avant l’adoption du présent ordre, les membres additionnels soient recommandés par le Comité de sélection;
7.sans que cela ait une incidence sur toute autorité séparément accordée à un comité de se réunir pendant que le Sénat siège :
a)les comités devant se réunir un mardi soient autorisés à le faire à partir de 18 h 30, même si le Sénat siège à ce moment-là, à condition que le Sénat ait terminé les affaires du gouvernement pour la séance;
b)les autres comités qui se réunissent pour des affaires du gouvernement soient autorisés à se réunir le mardi à partir de 18 h 30 ou à la fin des affaires du gouvernement, selon la dernière éventualité, sous réserve de l’approbation par la majorité des whips et des agents de liaison, et sous réserve de la capacité et de la disponibilité des ressources nécessaires;
c)il soit entendu que le pouvoir accordé aux leaders et aux facilitateurs, ou leurs délégués, conformément à l’article 3 du chapitre 5:03 du Règlement administratif du Sénat, ne soit pas, sous réserve de la capacité et de la disponibilité des services, affecté par les dispositions du présent ordre;
8.les comités mixtes soient autorisés, en ce qui concerne le Sénat, à tenir des réunions hybrides ou entièrement par vidéoconférence, les dispositions suivantes ayant effet lors de telles réunions :
a)tous les membres qui participent font partie du quorum;
b)ces réunions sont considérées comme ayant lieu dans l’enceinte parlementaire, peu importe où se trouvent les participants, sous réserve du sous-point d)(i);
c)le comité est tenu d’aborder les réunions à huis clos avec la plus grande prudence et toutes les précautions nécessaires, en tenant compte des risques pour la confidentialité des délibérations à huis clos inhérents à ces technologies;
d)sous réserve des variations qui pourraient s’imposer à la lumière des circonstances, pour participer à une réunion de comité par vidéoconférence, les sénateurs doivent :
(i)participer à partir d’un bureau désigné ou d’une résidence désignée au Canada;
(ii)utiliser un appareil et un casque d’écoute avec microphone intégré fournis par le Sénat et autorisés pour les vidéoconférences avec interprétation;
(iii)être les seules personnes visibles pendant la vidéoconférence;
(iv)avoir la fonction vidéo activée et être visibles à l’écran en tout temps, à moins que la réunion soit suspendue;
(v)quitter la vidéoconférence s’ils quittent leur siège, à moins que la réunion soit suspendue;
9.tout comité sénatorial soit autorisé à nommer des sénateurs qui ne sont pas membres du comité à ses sous-comités, à l’exception de son Sous-comité du programme et de la procédure, sous réserve qu’il soit entendu qu’aucun membre du Comité permanent de l’audit et de la surveillance ne peut être nommé à un sous-comité du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration en vertu du présent ordre, et inversement;
10.le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles soit autorisé à nommer la coordonnatrice législative du gouvernement à titre de membre sans droit de vote de son Sous-comité de programme et de la procédure, s’il établit un tel sous-comité, sans que, il soit entendu, la limite établie au point 9 s’y applique;
Que le Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement :
1.soit autorisé à étudier, afin d’en faire rapport, l’inclusion de dispositions concernant la période des questions avec un ministre dans le Règlement du Sénat, avec des recommandations quant aux amendements;
2.soumette son rapport final au plus tard le 18 décembre 2025;
Qu’un message soit transmis à la Chambre des communes relativement au point 8 du premier paragraphe du présent ordre, afin de l’en informer.
— Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour parler de la motion du gouvernement no 5, qui apporte un certain nombre d’ajustements pragmatiques à la façon dont le Sénat fonctionnera pour le reste de la présente session si la motion est adoptée.
La motion est une série de mesures qui visent à instaurer et affiner des pratiques procédurales, dont beaucoup ont été suivies par le Sénat ces dernières années, et à mettre en œuvre un accord conclu par l’ensemble des dirigeants du Sénat, dont moi-même, le sénateur Housakos, la sénatrice Saint-Germain, le sénateur Tannas et le sénateur Francis.
Je suis très heureux de dire que les dirigeants de tous les groupes ont pris part à l’ensemble du processus et ont fourni leur rétroaction, notamment lors de la conception, de la rédaction et, finalement, de la présentation de la motion ici, au Sénat. C’est dans cet esprit que nous examinons cette motion au Sénat. C’est dans le même esprit que j’espère qu’elle sera adoptée aujourd’hui.
Je tiens maintenant à passer à la teneur de la motion et à vous présenter, à vous, chers collègues, y compris les nouveaux sénateurs, les éléments qui se trouvent dans la motion du gouvernement no 5.
Premièrement, les deux premières dispositions auront une incidence sur le calendrier des travaux du Sénat. Cela comprend le retour à l’heure normale de levée de la séance, soit 16 heures, les mercredis, y compris pour tout vote reporté prévu ce jour-là à 16 h 15. Toutefois, ces éléments n’entreront en vigueur qu’une fois que le Sénat aura adopté le rapport du Comité de sélection sur la composition des comités. Lorsqu’ils auront été mis en œuvre, le fait de lever la séance à 16 heures permettra aux membres des comités qui doivent se réunir le mercredi soir de le faire.
De plus, le Sénat commencerait à siéger à 13 h 30 les jeudis, au lieu de 14 heures. Cette pratique est conforme à celle suivie lors de la 42e législature et vise à maximiser le temps que nous passons dans l’enceinte les jeudis.
Deuxièmement, la période des questions avec un ministre sera rétablie. Il s’agit là d’une innovation importante introduite lors des législatures précédentes. Elle permet aux sénateurs de poser directement aux ministres des questions sur leurs portefeuilles, en fonction de leurs responsabilités. Elle suivra le modèle utilisé précédemment, mais avec un mode de fonctionnement qui réglera un conflit qui survenait quand il y avait un vote par appel nominal ou que la sonnerie retentissait pendant la période des questions avec un ministre de manière à ce que la période de questions puisse se dérouler comme prévu.
De plus, le Comité sénatorial permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement sera autorisé à étudier le modèle de la période des questions avec un ministre et à faire des recommandations au Sénat sur les modifications qui pourraient être apportées au Règlement afin d’intégrer cette pratique.
Jusqu’à présent, chers collègues — ceux qui sont arrivés récemment —, la tenue d’une période des questions aux ministres s’est seulement déroulée par l’entremise d’ordres sessionnels comme celui que je propose aujourd’hui.
Les légères modifications apportées aux procédures concernant la période des questions aux ministres ont été apportées en réponse directe aux préoccupations soulevées par certains de mes collègues leaders du Sénat. Elles permettront au comité de déterminer comment le processus pourrait fonctionner à l’avenir tout en conservant un système dont, je le sais, de nombreux sénateurs ont bénéficié au fil des ans.
Troisièmement, pour toute autre période des questions, la motion rétablirait les limites de temps de la législature précédente, à savoir une minute pour les questions principales et les réponses, puis un maximum d’une question complémentaire par question principale, ces questions et réponses complémentaires étant limitées à 30 secondes chacune. Cette mesure vise à garantir une utilisation efficace de la période de 30 minutes tout en maximisant le nombre de participants.
Quatrièmement, comme nous l’avons fait au cours des dernières années, la motion considérerait le Comité de sélection comme un comité permanent aux termes de notre Règlement, et elle permettrait au Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants de compter 12 membres au lieu de 9.
Cinquièmement, les comités dont la réunion est normalement prévue le mardi soir à 18 h 30 auraient la permission de se réunir pendant que le Sénat siège. Cependant, ces dispositions ne s’appliqueraient que si nous avons terminé l’étude des affaires émanant du gouvernement pour ce jour de séance. La même règle s’appliquerait aux autres comités qui utilisent une plage horaire du mardi pour étudier des affaires émanant du gouvernement, sous réserve de l’approbation des whips et des agents de liaison.
Autrement, si la Chambre étudie encore des affaires émanant du gouvernement au moment où ces comités doivent se réunir, elle devra demander la permission du Sénat, conformément à nos pratiques habituelles.
De plus, la motion permettrait aux comités mixtes permanents de tenir des séances hybrides. Il s’agit de concilier les pratiques avec le modèle hybride permanent qui est permis par le Règlement de la Chambre des communes, mais pas par le nôtre.
Ainsi, les sénateurs qui siégeront à ces comités mixtes pourront participer aux réunions à distance avec leurs collègues de la Chambre, tout en jouissant des mêmes privilèges qui sont accordés à nos collègues de la Chambre.
La motion permettrait également à tout comité sénatorial de nommer des sénateurs qui ne sont pas membres de ce comité à ses sous-comités, à l’exclusion des comités directeurs, qu’on appelle également les sous-comités du programme et de la procédure.
De plus, en raison du mandat unique et distinct prévu par notre Règlement, aucun membre du Comité de l’audit et de la surveillance ne peut siéger aux sous-comités du Comité de la régie interne, des budgets et de l’administration, et vice versa, pour éviter tout conflit d’intérêts.
Enfin, la motion habiliterait le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles à inclure la coordonnatrice législative du représentant du gouvernement à titre de membre sans droit de vote de son comité directeur. Je crois comprendre que cela préoccupe certains collègues du Groupe des sénateurs canadiens. Je tiens à en expliquer les raisons.
En termes simples, cette disposition crée un mécanisme procédural permettant au comité de nommer la coordonnatrice législative — la sénatrice LaBoucane-Benson — en tant que membre sans droit de vote du comité directeur. Je précise que la présente motion n’oblige pas le comité à le faire; elle lui donne simplement la possibilité de le faire s’il le souhaite.
Ce poste non votant est inclus dans la motion parce que cela constituerait une dérogation au Règlement du Sénat et qu’il faut donc une décision du Sénat pour que cette option soit possible si le comité choisit d’y recourir.
En fin de compte, il s’agit d’une demande que nous, au bureau du représentant du gouvernement au Sénat, avons adressée aux leaders, et que j’ai moi-même formulée. Elle a été discutée avec tous les dirigeants et facilitateurs. Elle a été approuvée par tous les dirigeants et facilitateurs.
Chers collègues, comme le premier ministre l’a déclaré dans sa lettre de mandat et dans le récent discours du Trône, la capacité du Canada à devenir une superpuissance énergétique dans les domaines de l’énergie propre et conventionnelle, ainsi qu’à accélérer la mise en place d’infrastructures essentielles à l’édification de la nation, est une priorité politique incontournable de l’actuel gouvernement.
C’est en raison de l’accent mis par le gouvernement sur le développement des ressources, l’infrastructure et l’environnement au cours de la campagne électorale que nous avons demandé aux dirigeants du Sénat de permettre au bureau du représentant du gouvernement d’avoir un siège à la table.
Nous sommes convaincus qu’en sa qualité d’Albertaine, de sénatrice autochtone et de représentante du gouvernement, la sénatrice LaBoucane-Benson apportera un point de vue et une perspicacité qui contribueront au processus décisionnel du comité, à ses plans et à son orientation.
(1530)
Après tout, comme le gouvernement dirige en ce moment même des interactions fédérales-provinciales et des consultations entre la Couronne et les Autochtones, il est tout simplement logique que le comité directeur ait accès aux perspectives et aux commentaires de l’un des représentants du gouvernement. Il est légitime, souhaitable et constructif de faire entendre la voix du gouvernement sur des questions qui sont au cœur du mandat démocratique que les Canadiens lui ont confié. Après tout, un Sénat indépendant n’est pas pour autant exilé des autres institutions démocratiques.
Par conséquent, chers collègues, j’espère que nous pourrons adopter la motion du gouvernement no 5 telle qu’elle vous est présentée aujourd’hui. Je vous remercie de votre attention.
L’honorable Jim Quinn : Le sénateur acceptera-t-il de répondre à trois questions?
Le sénateur Gold : Bien sûr.
Le sénateur Quinn : Merci, sénateur Gold. Lorsque j’ai lu l’ordre sessionnel, j’ai été renversé de voir que le bureau du représentant du gouvernement souhaite avoir un représentant qui siégerait au comité directeur pour l’énergie, l’environnement et les ressources naturelles. Pourquoi votre bureau doit-il siéger à ce comité en particulier et non à un autre?
Le premier ministre a également souligné dans le mandat confié l’importance des ports, des corridors de transport, de la recherche de nouveaux partenaires commerciaux et de l’utilisation des modes de transport, alors pourquoi voulez-vous siéger à ce comité? Pourquoi pas un autre?
Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question. À l’époque, avant les changements introduits par le dernier premier ministre, les comités et le Sénat étaient dominés par le gouvernement et l’opposition, alors le gouvernement occupait toujours les présidences et vice-présidences des comités, et il était donc représenté dans les comités directeurs.
Dans le cadre de l’évolution du Sénat pour en diminuer la partisanerie et en augmenter l’indépendance, en particulier dans celui où nous travaillons, le gouvernement n’a, pour le meilleur et pour le pire, occupé aucun rôle au sein du moindre comité directeur. C’est toutefois parce que le développement énergétique traverse une situation particulière et qu’il a des liens avec l’environnement et les projets d’édification de la nation, ainsi qu’en raison des relations privilégiées et continues entre le gouvernement et ses partenaires dans les provinces, les territoires et les communautés autochtones, et à cause du mandat confié à ce gouvernement, qui en a fait le point central de sa politique lors des élections, que nous avons cru qu’il fallait au moins donner à ce comité en particulier — qui sera sans doute saisi de certains, voire de nombreux, projets de loi visant à mettre en œuvre la politique du gouvernement — la possibilité d’entendre et de bénéficier du point de vue d’un représentant du gouvernement, lequel a profondément à cœur les efforts d’édification de la nation que nous entreprenons.
Le sénateur Quinn : Merci, sénateur Gold.
On pourrait faire valoir le même argument en cette époque où nous vivons pour ce qui est des droits de douane, des corridors de transport et du transport en général, ainsi que des politiques commerciales menacées. Quoi qu’il en soit, est-ce un cas isolé ou est-ce le début d’une nouvelle pratique selon laquelle le gouvernement a une participation directe, avec droit de vote ou non, pour influencer les discussions et les décisions du comité directeur, pour en faire rapport au comité plénier, où le bureau du représentant du gouvernement et les autres leaders ont un statut d’office? Ces mêmes préoccupations, orientations ou conseils ne pourraient-ils pas être exprimés devant l’ensemble du comité plutôt que d’une manière visant à influencer l’indépendance du comité directeur?
Le sénateur Gold : Loin de moi l’idée de minimiser l’importance de votre question, mais le gouvernement ne demande pas grand-chose ici. Nous demandons simplement au Sénat d’autoriser un comité, dans sa sagesse, à accéder à notre demande. C’est tout ce que nous demandons.
Certes, le leader de l’opposition et le représentant du gouvernement ou leurs adjoints sont tous deux membres d’office du comité et peuvent, comme tous les sénateurs, assister à n’importe quelle réunion, le statut de membre d’office s’accompagnant toutefois d’un droit de vote. Cela dit, fournir des renseignements au comité dès les premières étapes de ses travaux, tandis qu’il élabore son plan de travail, ce n’est pas la même chose.
Les sénateurs d’expérience, en particulier ceux d’entre vous ayant déjà fait partie d’un comité directeur, savent à quel point la responsabilité de veiller à ce que l’étude des projets de loi se fasse de manière complète, équilibrée et efficace est importante. Si cette motion est adoptée et que le comité décide d’exercer le pouvoir qu’elle lui confère, motion qui, je le répète, a fait l’objet de discussions avec les leaders de tous les groupes sénatoriaux, y compris le vôtre, et qui jouit de l’appui de chacun d’eux, je suis convaincu qu’il sera avantageux pour le comité d’être renseigné par le représentant du gouvernement dès les premières étapes de ses travaux, car celui-ci possède ou possédera des renseignements qui seront utiles au comité dans la planification de ses travaux, renseignements tels que les discussions tenues entre le gouvernement et les provinces et les territoires, par exemple.
Le sénateur Quinn : Sénateur Gold, merci pour cette réponse. Je reviendrai sur le principe central de l’indépendance auquel nous adhérons tous dans cette enceinte et sur l’importance pour le comité directeur de pouvoir tenir ces discussions indépendantes sans subir d’influence indue de la part de représentants du gouvernement siégeant au comité directeur.
Nous n’avons même pas encore constitué les comités. Il semble qu’ils ne seront peut-être pas formés avant l’automne. Pourquoi ne pas laisser les comités se constituer et laisser leurs membres discuter de cette question pour qu’ils comprennent et acceptent que cela relèverait effectivement des comités directeurs? Pourquoi maintenant? Nous aurons un nouveau représentant du gouvernement au Sénat d’ici la fin du mois. Pourquoi ne pas s’occuper de cette question quand les comités auront été constitués?
Le sénateur Gold : Je tente de donner une réponse brève. Cette question a été portée à l’attention des leaders, qui en ont discuté. Les leaders, leurs adjoints et leur chef du personnel ont participé à la rédaction de la motion. Des suggestions ont été faites, et des modifications ont été apportées. Cet aspect n’a été soulevé à aucun moment. Il est raisonnable que le gouvernement présente une motion complète maintenant pour habiliter un comité à régir les procédures. Ainsi, lorsque le comité sera mis sur pied, il pourra accéder à la demande, nonobstant le Règlement.
J’ai expliqué du mieux que j’ai pu les raisons qui motivent cette demande, la procédure qui a permis d’aboutir à un consensus entre les leaders et la manière dont cette motion a été présentée, en tant que motion du gouvernement. Même s’il s’agit d’une motion du gouvernement, elle repose sur une collaboration entre les leaders et leur personnel pour arriver à un consensus après une série de réunions. Je n’ai vraiment rien de plus à ajouter. Je demande au Sénat d’appuyer la motion telle qu’elle est présentée.
L’honorable Denise Batters : Sénateur Gold, j’ai quelques remarques à faire sur ce point. Tout d’abord, je note que si le gouvernement libéral avait décidé de former un caucus ministériel, il aurait au moins un membre à chaque réunion des comités directeurs, ou un membre à chaque comité directeur des comités sénatoriaux, mais ce n’est pas le cas actuellement. Vous y avez d’ailleurs fait allusion dans votre discours tout à l’heure. Il n’y a pas de caucus ministériel à proprement parler. Ce que vous demandez maintenant, c’est que la leader adjointe du gouvernement soit nommée « membre sans droit de vote » du comité directeur de ce comité en particulier.
Je me demande ce qui justifie le choix de ce comité en particulier. Certains des enjeux dont vous avez parlé tout à l’heure, qui motivent votre volonté de voir la sénatrice LaBoucane-Benson siéger à ce comité directeur, semblent se rapporter, peut-être, au Comité des peuples autochtones. Toutefois, ce n’est pas ce comité qui est visé par votre proposition. Il s’agit du Comité de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles. Je me demande donc quel projet de loi du gouvernement sera soumis à ce comité.
Par ailleurs, je me demande quel est l’objectif de la présence de la leader adjointe du gouvernement en tant que membre sans droit de vote. Est-ce pour envoyer un signal comme quoi le gouvernement souhaite une certaine issue, c’est-à-dire pour envoyer un signal aux sénateurs nommés par le gouvernement libéral qui sont membres du même comité directeur? Est-ce pour envoyer un tel signal de manière très directe et à huis clos, et non dans le cadre de réunions publiques?
Le sénateur Gold : Merci. La réponse à la plupart de vos questions est non. Ce n’est pas du tout le but.
(1540)
Bien qu’aucun projet de loi n’ait encore été déposé à l’autre endroit, nous nous attendons tout à fait à en recevoir un bientôt, compte tenu des déclarations du premier ministre et des discussions que nous avons eues avec ses ministres. Cette mesure législative portera sur des projets d’intérêt national, dont bon nombre seront axés sur l’énergie, directement ou indirectement. En prévision de ce projet de loi et dans l’incertitude quant aux détails précis, nous avons cru bon de présenter cette demande dès maintenant.
Lorsque le projet de loi aura été déposé, les leaders discuteront ensemble du processus qu’ils recommanderont pour l’examen du projet de loi, comme il est d’usage. Ces discussions n’ont pas déjà eu lieu, car, en tant que représentant du gouvernement, je n’ai pas été en mesure de communiquer les détails de ce projet de loi. Je ne les connais pas encore. C’est la prochaine étape.
Cette mesure a été prise en prévision de la possibilité qu’un projet de loi portant sur des projets d’envergure relevant du mandat de ce comité soit finalement renvoyé à ce comité. Si ce n’est pas le cas, l’autorisation restera inactive. Toutefois, d’après les informations à notre disposition et nos meilleures estimations, c’était bien là la question. En effet, une fois que la loi visant à créer un cadre pour ces projets sera adoptée, des mesures législatives seront présentées pour les mettre en œuvre.
J’espère que cela répond à votre question. Soyons clairs : la mesure n’a pas pour but d’envoyer un signal, subtil ou non, sur ce que souhaite le gouvernement. J’ai toujours fait preuve d’une grande transparence — non seulement envers mes homologues, les leaders du Sénat, et mes collègues, mais aussi envers tous les sénateurs — quant aux attentes du gouvernement.
En tant que représentant du gouvernement au Sénat, j’ai également clairement indiqué que lorsque je représente le Sénat auprès du gouvernement, mon rôle consiste à communiquer avec clarté les aspirations des leaders du Sénat et des sénateurs, ainsi que leurs demandes en matière de délais et de procédures pour l’étude des projets de loi. Il n’y a rien de différent ici, si ce n’est le moment précis et particulier que nous vivons et, par conséquent, cette demande particulière.
La sénatrice Batters : Je vous remercie. J’ai aussi quelques questions à poser au sujet de la période des questions en présence de ministres. Je présume que le libellé est peut-être le même qu’auparavant, mais j’aimerais avoir une petite explication. On y explique en détail comment on déterminera quel ministre viendra à la période des questions. On peut y lire ceci :
[...] le représentant du gouvernement au Sénat, en consultation avec le leader de l’opposition et les leaders et facilitateurs de tous les partis reconnus et groupes parlementaires reconnus, désigne le ministre qui comparaîtra lors d’une telle période des questions;
Premièrement, que signifie « en consultation avec »? En quoi consiste la consultation? S’agit-il simplement de se faire dire quel ministre participera ou est-ce que l’opposition — ou peut-être d’autres groupes — pourrait fournir les listes de ministres qu’elle aimerait voir comparaître? Comment cela fonctionne-t-il?
Je me pose également des questions au sujet du passage qui dit que le gouvernement « informe le Sénat, dès que possible et à l’avance », puis « au plus tard à la séance qui précède le jour où le ministre doit comparaître ».
Il est possible que nous nous retrouvions dans une situation — qui s’est produite à maintes reprises lors de la dernière législature — où on nous indique seulement la veille quel ministre viendra témoigner. J’ai eu l’impression qu’à certains moments, le ministre choisi par le gouvernement pour venir témoigner était un ministre qui ne s’occupait pas vraiment de dossiers controversés à ce moment-là. Chose certaine, c’est le genre de chose que l’opposition souhaite éviter, soit que des ministres qui se trouvent dans ce genre de situation soient traités de cette manière.
Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question. Elle me donne l’occasion d’expliquer à ceux qui ne la connaissent peut-être pas, comme les nouveaux sénateurs, bien sûr, la pratique antérieure. Il s’agit ici de poursuivre cette pratique.
Vous avez posé une question sur la consultation. Au début d’une session, mon bureau demande aux leaders de chaque caucus et groupe parlementaire de soumettre la liste des ministres qu’ils souhaitent voir comparaître. Nous faisons de notre mieux pour répondre à leurs demandes. Nous faisons du bon travail dans les circonstances et lorsque c’est possible. Il n’est pas toujours facile de faire venir immédiatement les ministres qui sont le premier choix de tout le monde. L’emploi du temps et d’autres responsabilités ministérielles constituent parfois des obstacles. Il peut donc arriver que nous apprenions plus tard que nous le souhaiterions, et certainement plus tard que vous le souhaiteriez, quels ministres viendront.
Toutefois, il s’agit d’une véritable consultation. Je ne peux que supposer, comme je l’ai toujours supposé, que les leaders transmettent ces informations à leurs collègues afin que les noms qu’ils nous proposent correspondent aux ministres que vous, qui ne faites pas partie des équipes de direction des différents groupes, souhaitez voir comparaître.
À cet égard, vous avez tout à fait raison, sénatrice Batters, de dire que cela ne s’est pas toujours déroulé sans accroc. Nous avons parfois dû attendre assez longtemps avant que certains ministres clés soient disponibles. Il est donc évident que le système pourrait être amélioré à certains égards. À la suggestion de certains de mes collègues leaders, nous avons décidé qu’il serait bon de demander au Comité du Règlement d’examiner cette question. Le Comité du Règlement, dans le cadre de son étude, examinera les pratiques antérieures et verra comment elles peuvent être améliorées. Il pourra ensuite décider s’il est opportun de proposer des modifications ou de les inclure dans le Règlement. C’est une question dont le Comité du Règlement sera saisi si cette motion est adoptée.
L’honorable Andrew Cardozo : Merci, sénateur Gold, pour la motion que vous avez présentée. Il est toujours utile d’examiner les motions visant à améliorer le fonctionnement du Sénat.
J’ai une question concernant le paragraphe 3, qui porte sur l’invitation des ministres. Je trouve ces périodes des questions très utiles. Avec tout le respect que je vous dois, monsieur, la période des questions avec le représentant du gouvernement est difficile. Vous n’êtes pas membre du Cabinet et n’avez pas de portefeuille, et vous ne pouvez donc pas parler de certaines questions. J’ai l’impression que de nombreux collègues trouvent les périodes des questions avec un ministre particulièrement utiles.
Vous avez suggéré qu’il y aura une période des questions avec un ministre au moins toutes les deux semaines. Je suggérerais qu’il y en ait une chaque semaine pour que nous sachions, par exemple, que chaque jeudi, il y aura une période des questions avec un ministre. Ce n’est pas beaucoup demander. Nous ne siégeons que 26 semaines. Il y a 28 ministres et une dizaine de secrétaires d’État. Il y en a peut-être deux ou trois que nous aimerions entendre plus d’une fois par an. Ce que je suggère n’est pas exclu ici, puisque vous dites « au moins une fois toutes les deux semaines ». Envisageriez-vous de le faire plus souvent pour que nous puissions avoir des échanges que je trouve très utiles avec les ministres?
Le sénateur Gold : Merci de votre question. Je ne suis pas du tout offensé par vos propos.
Les leaders, du moins la majorité d’entre eux, s’entendent certainement pour dire qu’inviter les ministres une fois toutes les deux semaines est une bonne idée. Cette question pourra toujours être réexaminée à l’avenir. À l’heure actuelle, les leaders de tous les groupes et mon bureau — si je puis me permettre — appuient l’idée de continuer à inviter les ministres toutes les deux semaines, comme le prévoit la motion. Je vous remercie de votre question.
Son Honneur la Présidente : Sénateur Cardozo, avez-vous une question complémentaire?
Le sénateur Cardozo : Je vais simplement répéter la question que j’ai posée : envisageriez-vous de donner suite à ma suggestion un jour? Cette question s’adresse à vous ainsi qu’à tous les autres leaders que vous rencontrez, y compris le mien.
Le sénateur Gold : Bien sûr. Je ne serai plus ici pendant très longtemps, mais je pense que si la motion est adoptée, cette question devrait être débattue en bonne et due forme ou, au moins, soumise au Comité du Règlement aux fins de discussion.
(1550)
L’honorable Mary Jane McCallum : Je m’oppose à la nomination de la sénatrice LaBoucane-Benson. Il y a conflit d’intérêts. Quand on est représentant du gouvernement, on travaille pour le gouvernement et pas pour les Premières Nations. Nous sommes toujours en désaccord, et j’en ai parlé à la sénatrice LaBoucane-Benson. Il y a un conflit d’intérêts, et il y a des représentants au sein du comité — ne sommes-nous pas assez compétents? Il y avait un représentant autochtone au comité directeur —, alors je ne comprends pas pourquoi vous voulez maintenant nommer quelqu’un au Comité de l’énergie.
Le sénateur Gold : Merci de votre question. Avec tout le respect que je vous dois, j’estime qu’il n’y a pas de conflit d’intérêts. Nous représentons le gouvernement. Nous ne travaillons pas pour le gouvernement. J’ai toute confiance en mes deux adjointes, tout comme j’ai confiance en moi-même, pour assumer nos responsabilités et nos obligations avec honneur. Je respecte la différence d’opinion que vous avez exprimée en toute transparence, et vous pouvez bien sûr faire valoir cette opinion lors du vote, mais je dois dire, avec tout le respect que je vous dois, que je ne partage absolument pas votre point de vue.
La sénatrice McCallum : Je suis d’accord avec la majeure partie de ce que vous avez écrit dans la motion, à l’exception d’un élément précis, et je vais donc voter contre cette motion.
Son Honneur la Présidente : Avez-vous une question, sénatrice McCallum?
La sénatrice McCallum : Non. Je dis non à la motion.
L’honorable Pamela Wallin : Je voulais répondre à la sénatrice, si vous me le permettez, et revenir à la demande que vous faites pour obtenir un siège à la table du comité directeur. Je suis sûre que vous en avez discuté avec les dirigeants, mais nous avons tous notre opinion ici, alors nous essayons simplement de clarifier les choses. Comme d’autres l’ont mentionné, il est étrange que cette demande vise un comité en particulier. Vous avez expliqué que, selon vous, un projet de loi clé pourrait lui être renvoyé, mais il sera saisi de nombreux projets de loi clés.
Étant donné que c’est le gouvernement qui a décidé de restructurer le Sénat et de ne plus laisser au gouvernement et à l’opposition une place au sein des comités et un siège à la table, il semble un peu étrange de faire ensuite cette demande pour un seul comité. Je m’inquiète un peu du précédent que cela peut créer, car si, pour une raison ou une autre, vous voulez informer un comité ou un comité directeur d’un projet de loi à venir, vous avez des mécanismes pour le faire, et vous avez également le droit de simplement demander à n’importe quel président ou vice-président de comité de venir présenter l’information. Je pense que c’est ce qui rend les gens un peu perplexes, car il s’agit d’une demande très précise concernant un comité bien précis.
Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question, madame la sénatrice. J’ai essayé d’expliquer du mieux que je le pouvais dans mon discours, ainsi que dans ma réponse aux questions, pourquoi notre demande concerne un comité particulier, en ce moment particulier et dans ce contexte particulier où l’incertitude règne encore quant au contenu des futures mesures législatives relatives aux projets nationaux. En fait, nous nous inspirons de ce qui a été discuté pendant la campagne électorale, du discours du Trône et d’autres remarques faites récemment par les premiers ministres provinciaux et le premier ministre.
Je suis désolé d’apprendre que cette proposition dérange certaines personnes. Il ne s’agit pas de créer un précédent. Il s’agit d’une disposition du Règlement qui autoriserait le comité — sans toutefois l’y obliger — à accorder un siège, comme je l’ai déjà expliqué. Le Sénat a changé il y a huit ans et demi ou neuf ans, voire quelques années plus tôt, avant même que le gouvernement ne décide de modifier sa relation avec les sénateurs, et il continue de changer et d’évoluer. La proposition actuelle s’inscrit simplement dans le contexte actuel et les circonstances actuelles. Même si notre Règlement exige toujours un vote ou traite les membres du comité directeur comme des membres votants, notre but, comme je l’ai dit, est de donner la possibilité à un représentant du gouvernement de fournir une contribution et une aide directes au comité directeur, s’il le souhaite, lorsque ce comité traite d’un projet d’importance nationale.
L’honorable Marilou McPhedran : Sénateur Gold, ma question est brève, mais je pense qu’elle est très pertinente. A-t-on envisagé, pendant ces discussions, d’utiliser cette proposition afin de rendre l’environnement de travail plus inclusif et moins discriminatoire envers les sénateurs non affiliés?
Le sénateur Gold : Merci de votre question, qui est très légitime. Pour y répondre brièvement, je dirais que cet ordre sessionnel en particulier porte exclusivement sur les questions qui y sont mentionnées. La question de savoir quelles responsabilités sont assumées par les dirigeants et les groupes, y compris le gouvernement — car nous avons tous des responsabilités à assumer — pour garantir que tous les sénateurs ont accès aux informations, aux décisions et à du soutien, fait l’objet d’un débat continu. Toutefois, la présente motion se concentre sur des questions qui ont été soulevées afin de faciliter les aspects du travail en question.
L’honorable David M. Wells : L’un des principes fondamentaux de notre système est la séparation des pouvoirs : le pouvoir judiciaire, le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif. Cela semble aller à l’encontre de ce principe du fait qu’on insère spécifiquement une personne issue du pouvoir exécutif, le représentant du gouvernement — puisque représentant du gouvernement, c’est le nom de votre groupe — dans un organe législatif, ou un comité. Je lis la confusion sur votre visage; dites-moi où je me trompe.
Le sénateur Gold : Il existe une relation très différente entre l’exécutif que vous avez décrit et le pouvoir législatif dans le système parlementaire comparativement à ce qu’il en est, par exemple, dans un système républicain. Soyons clairs : le Sénat a toujours accepté et reconnu la place et le rôle particuliers du gouvernement. Le Règlement du Sénat et les pratiques du Sénat perpétuent cette tradition, comme je l’ai décrit précédemment, en me conférant, en tant que représentant du gouvernement, un rôle d’office, à savoir un droit de vote au sein de tous les comités. Comme l’a confirmé la décision de l’ancien Président Furey, la fonction que j’occupe confère également le pouvoir d’invoquer et de proposer la fixation d’un délai. Il n’y a rien d’incompatible avec la façon dont le Sénat a évolué — même pendant cette période de transformation que nous traversons depuis près de 10 ans — dans le fait de demander qu’un membre non votant du bureau du représentant du gouvernement siège au sein d’un comité. Or, nous sommes des sénateurs qui représentons le gouvernement. Nous ne sommes pas le gouvernement. Il y a là une différence, une différence fondamentale à mon avis, mais vous pouvez penser autrement. Je ne vois rien d’incompatible avec les traditions du Sénat ni, d’ailleurs, avec les traditions de Westminster, le fait de demander au Sénat de donner à un comité, qui est par ailleurs maître de ses travaux, la possibilité d’inviter ou de nommer un membre du bureau du représentant du gouvernement dans les circonstances que j’ai décrites.
(1600)
Le sénateur D. M. Wells : Pour que les choses soient claires, qui déciderait si la coordonnatrice législative du représentant du gouvernement est autorisée à participer à la réunion du comité directeur? S’agirait-il d’une décision du comité directeur? Sommes-nous en train de graver cette décision dans le marbre? Ou alors, s’agirait-il d’une décision du comité? Qui déciderait d’appliquer cette option?
Le sénateur Gold : Je n’ai pas la motion sous les yeux, mais elle autorise simplement le comité à prendre cette décision, quels que soient les processus dont décide le comité lui-même.
Pour les nouveaux sénateurs ici présents, chaque comité a ce que l’on appelle un comité directeur auquel il peut déléguer certaines responsabilités. Selon la manière dont ce comité décidera de s’organiser, il décidera lui-même de se prévaloir ou non de l’autorité que cette proposition lui conférerait. Ce sera au comité de décider.
Le sénateur Quinn : Honorables sénateurs, je dirai d’abord que je suis bien conscient du rôle des leaders et de celui du représentant du gouvernement au Sénat. Je sais qu’ils prennent leur travail très au sérieux.
Cela dit, je sais aussi que tous les sénateurs qui ont été nommés par le gouvernement précédent ont eu une discussion avec le premier ministre d’alors. Le premier ministre m’a dit — et d’autres collègues m’ont confirmé qu’ils ont reçu le même message — qu’il comptait sur moi pour travailler au sein du Sénat et observer la progression des politiques du gouvernement, et que si j’avais des préoccupations, je devais les soulever. Si j’étais en désaccord avec une mesure, je devais voter contre celle-ci parce que je devais être indépendant. C’est ce que défendait le premier ministre dans cette conversation : l’indépendance du Sénat.
Je sais que les leaders font leur travail ici, et que les résultats de leurs discussions sont transmis à nos groupes. Parfois, ils nous consultent à l’avance, et, d’autres fois, ils nous disent : « Nous en avons discuté et voici ce que nous allons faire. » Cette façon de faire n’enlève rien à chacun d’entre nous. Leaders ou non, nous avons tous été nommés sénateurs. Nous avons le droit de soulever au Sénat nos préoccupations afin que nos collègues puissent en tenir compte. C’est ce que j’essaie de faire ici.
La motion comporte 10 dispositions et sous-dispositions, et je me pose des questions sur l’une d’entre elles, car je pense que l’indépendance du Sénat est, dans une certaine mesure, compromise.
Il existe trois branches distinctes qui assurent l’équilibre des pouvoirs au fédéral : le pouvoir judiciaire, le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif. Les commentaires que je m’apprête à faire portent sur le législatif et l’exécutif. La distinction importante entre ces deux branches réside dans le fait que le premier ministre et le Cabinet forment le pouvoir exécutif, dont ne font pas partie les autres élus.
Ailleurs, les membres du pouvoir exécutif peuvent être convoqués devant un comité, mais ils ne prennent pas part au processus décisionnel de ce dernier. Je crois que l’objectif est d’empêcher l’exécutif d’exercer une influence indue sur les travaux du comité.
Au Sénat, le bureau du représentant du gouvernement représente le gouvernement dans la Chambre haute. Par conséquent, comme l’a indiqué le sénateur Wells, il s’agit des représentants du pouvoir exécutif au Sénat. La fonction principale du bureau du représentant du gouvernement est de faire avancer le programme du gouvernement.
L’ordre sessionnel propose que la coordonnatrice législative du représentant du gouvernement devienne membre sans droit de vote du comité directeur de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles. Les sénateurs qui siègent à des comités directeurs savent que les échanges qui y ont lieu influencent les recommandations qui sont ensuite soumises à l’ensemble du comité. Cela donnerait au bureau du représentant du gouvernement la possibilité d’avoir une influence indue sur les discussions ou les décisions qui seraient ensuite soumises au comité.
Bien que je ne m’oppose pas à ce que le gouvernement ait le statut de membre d’office d’un comité sénatorial, je dirais que, compte tenu du droit du sénateur Gold ou de son représentant d’être membre d’office du comité, que lui ou l’un de ses représentants exerce, cette présence a, en fait, une influence sur les processus tels que l’étude article par article des projets de loi. C’est leur rôle, bien sûr. Bien franchement, c’est une expérience que j’ai vécue en tant que nouveau sénateur lors des débats et des travaux en comité sur les projets de loi C-11 et C-18, en faveur desquels j’ai voté au bout du compte, principalement en raison du débat et des choses que j’ai apprises grâce aux points de vue d’autres personnes dans cette enceinte.
Je pense que cette institution doit exercer l’indépendance qui nous a été accordée et ne risquer aucun facteur qui pourrait compromettre cette indépendance. Par conséquent, je crois que le bureau du représentant du gouvernement ne devrait pas avoir le droit de siéger au comité directeur de l’énergie ou de tout autre comité, car il y a lieu de se poser la question suivante : si c’est ce comité-ci maintenant, qu’est-ce qui l’empêchera de siéger à un autre comité plus tard?
Après un second examen objectif, je crois que cette proposition est inutile dans ce qui est par ailleurs une très bonne motion. Cette proposition est préoccupante, car elle insère le pouvoir exécutif dans le joyau auquel nous, en tant que sénateurs, accordons le plus d’importance : le fonctionnement indépendant des comités du Sénat. Par conséquent, je propose respectueusement un amendement.
[Français]
Rejet de la motion d’amendement
L’honorable Jim Quinn : Par conséquent, honorables sénateurs, je propose l’amendement suivant :
Que la motion ne soit pas maintenant adoptée, mais qu’elle soit modifiée par suppression du point 10, qui traite de la composition du Sous-comité du programme et de la procédure du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles.
[Traduction]
L’honorable Leo Housakos (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, je n’aime pas me retrouver dans une situation où j’éprouve de l’empathie pour le leader du gouvernement, mais c’est pourtant le cas. Cette nouvelle législature va de mal en pis.
Tout d’abord, je tiens à préciser que je pense que l’accord conclu entre les leaders est un compromis qui s’inscrit dans la lignée des compromis conclus lors des législatures précédentes, et pour bon nombre de questions. Il ne comporte rien de nouveau. Or, tout à coup, nous sommes indignés parce que le gouvernement a formulé une demande que je juge raisonnable.
Nous devons également comprendre que ce qui se passe est au cœur de ce que je soutiens depuis maintenant 10 ans au sujet de cette expérience. Chers collègues, lorsque vous jouez un match de hockey et que vous mettez 12 joueurs sur la glace en même temps, tous vêtus de maillots de 12 couleurs différentes, il est assez difficile de jouer au hockey. Je pense que nous en convenons tous. Au Canada, le hockey se joue entre deux équipes qui portent généralement des maillots rouges, bleus ou blancs, et ce sont généralement les joueurs de Toronto en maillots bleus — ou en maillots orange, oui, en effet — qui perdent. C’est ainsi que nous pratiquons habituellement notre sport national.
Je vous rappelle également, chers collègues, que notre système parlementaire, fondé sur la tradition de Westminster, comprend un Sénat qui, comme je l’ai dit au moins mille fois, est fondé sur le modèle de la Chambre des communes de Westminster. En effet, si vous consultez l’article 18 de la Constitution, vous constaterez que les députés et les sénateurs canadiens ont les mêmes droits, les mêmes privilèges, les mêmes obligations et les mêmes fonctions que les députés de la Chambre des communes de Westminster.
Comme le leader du gouvernement l’a fait remarquer à juste titre, dans notre système, il n’y a aucune séparation entre le pouvoir exécutif et le Parlement. Le pouvoir exécutif, la Couronne, occupe une place fondamentale à la Chambre des communes tout comme elle occupe une place fondamentale au Sénat, malgré l’expérience tentée par l’ancien premier ministre. Voilà pourquoi le leader du gouvernement, qui porte le titre de représentant du gouvernement au sein du bureau du représentant du gouvernement, possède dans cette institution certains privilèges que nul ne peut lui enlever, surtout pas la Chambre des représentants nommés, tout comme l’opposition a un rôle fondamental à jouer.
Bien que nous ayons un certain degré d’indépendance, le gouvernement et l’opposition occupent dans ce système parlementaire une place fondée sur le mandat que leur confie l’électorat, c’est-à-dire les Canadiens. En ce moment, le gouvernement souhaite avoir des yeux et des oreilles au sein du comité directeur d’un important comité. Je crois savoir pourquoi. D’importantes mesures législatives s’en viennent, car les Canadiens se sont clairement exprimés aux élections. En effet, plus de 45 % d’entre eux ont voté pour le parti qui est maintenant au pouvoir et 41 % d’entre eux ont voté pour le parti de l’opposition officielle. Ainsi, 87 % des Canadiens se sont clairement exprimés en faveur d’un programme précis.
(1610)
Le gouvernement est en train de dire à la Chambre haute et au Parlement du Canada qu’il leur a donné une très grande marge de manœuvre, mais que il aimerait maintenant avoir une observatrice sans droit de vote au sein du comité directeur du Comité sénatorial permanent de l’énergie et des ressources naturelles. Il espère, bien sûr, que ce comité contribuera fondamentalement à l’avancement de son programme et que nous pourrons tous veiller à l’orienter dans la bonne direction.
Je pense que c’est comme cela que la proposition du gouvernement a été interprétée par tous les leaders, y compris le vôtre, sénateur Quinn. Je ne pense pas que nous ayons vu là une intention malveillante de la part du gouvernement de contourner cette institution et d’essayer de rabaisser les sénateurs indépendants de quelque manière que ce soit, si ce n’est pour faire avancer le programme que des millions de Canadiens ont confié aux deux partis politiques. D’ailleurs, je suppose qu’une fois que ce programme sera présenté, même à l’autre Chambre, vous constaterez, je pense, un large consensus.
À un moment donné, nous devons donc arrêter de croire qu’un groupe de sénateurs indépendants contournera, d’une façon ou d’une autre, la volonté de cette assemblée et les pouvoirs du gouvernement au sein de cette enceinte.
C’est ridicule. Cela fait très longtemps que nous entendons cette accusation contre l’opposition. Maintenant, on commence même à la porter contre le gouvernement.
Le fait est que l’ancien premier ministre a décidé d’essayer quelque chose en toute bonne foi et, je suppose, avec de bonnes intentions. Ainsi, beaucoup de latitude et de souplesse ont été accordées. Cependant, il arrive un moment où cette latitude et cette souplesse deviennent un obstacle à la présentation de projets de loi.
J’en appelle à tous les sénateurs présents dans cette enceinte pour qu’ils acceptent le fait que notre système parlementaire n’est pas un système parlementaire républicain. Le Canada n’est pas les États-Unis d’Amérique, où il existe une séparation entre les pouvoirs exécutif et législatif, et je ne veux pas que notre pays ressemble aux États-Unis d’Amérique. Il est également très clair que la grande majorité des Canadiens ne veulent pas du système parlementaire américain.
Notre système parlementaire est au cœur de notre identité et de notre démocratie. C’est ce qui nous définit. C’est probablement la plus grande contribution de l’un des deux peuples qui, avec les peuples autochtones, ont fondé ce pays. Je pense que nous devons le chérir et le protéger. Je pense que le gouvernement a un rôle important à jouer et qu’il nous incombe à tous de lui permettre de le jouer.
Je vais conclure avec le point suivant. Le mode de fonctionnement du Sénat — ainsi que de la Chambre des communes et de l’autre Chambre des communes sur laquelle nous fondons essentiellement ces principes — a toujours prévu que le gouvernement et l’opposition ne jouent pas simplement un rôle, mais qu’ils occupent la majorité des postes de présidence aux comités, à l’image d’un régime de gouvernement fondé sur le système de Westminster. Dans ce système, l’opposition assume la présidence de certains comités. Des postes de vice-présidence sont attribués au gouvernement et à l’opposition, puis il y a de la place pour des parlementaires indépendants. C’est ainsi que le système a été créé et qu’il est censé fonctionner.
Encore une fois, le sénateur Gold et moi — et je sais que c’est aussi le cas du gouvernement et de l’opposition — voulons continuer à faire preuve de déférence et trouver une façon de respecter les principes fondamentaux de notre système. L’indépendance joue un rôle important, mais chacun doit comprendre son rôle et sa place.
Merci, chers collègues.
[Français]
L’honorable Raymonde Saint-Germain : J’aimerais joindre ma voix à celles du leader du gouvernement et du leader de l’opposition au Sénat pour vous signaler que cette décision a été prise à l’unanimité par l’ensemble des leaders dans l’intérêt du bon fonctionnement du Sénat. Elle a été prise en gardant à l’esprit la situation très particulière dans laquelle se trouve le pays présentement et le caractère unique des enjeux et des questions qui feront plus précisément l’objet de discussions lors des réunions du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles.
Nous avons accepté cette demande parce qu’elle nous a été présentée comme étant exceptionnelle et bien justifiée. Il ne faut pas oublier que, par souci d’indépendance, aucun des trois groupes indépendants ici ne représente le gouvernement au sein d’un comité directeur. Ceux d’entre nous qui font partie d’un comité directeur ne peuvent s’adresser au gouvernement ou lui transmettre des rapports, parce que les réunions de ces comités se tiennent à huis clos.
Dans le contexte actuel, où ces enjeux touchent le gouvernement et tout le pays, la demande du leader du gouvernement est extrêmement raisonnable et justifiée. N’oublions pas que le gouvernement n’a aucun siège au sein du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles. C’est pour cette raison, et dans le but de préserver l’indépendance des différents groupes, que je suis très à l’aise de continuer d’appuyer cette demande exceptionnelle et raisonnable du gouvernement. Je crois que si nous continuons à faire obstacle aux tentatives visant à donner sa place au gouvernement lorsqu’il doit l’avoir, nous allons mettre en péril l’essence même de l’indépendance qui nous a amenés ici, du moins celles et ceux qui ont été nommés après 2016.
Merci.
[Traduction]
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vais être très bref. J’aurais dû mentionner cela dans ma réponse aux questions, chère collègue, et je m’en excuse.
Je précise à tous mes collègues que, selon le Règlement actuellement en vigueur, le Comité de l’énergie serait libre d’inviter la sénatrice LaBoucane-Benson à participer au comité directeur. N’importe quel comité peut le faire, mais, selon le Règlement, le sénateur sélectionné aurait le droit de vote.
Je remercie le sénateur Housakos et la sénatrice Saint-Germain de m’accorder leur appui. J’espère que le sénateur Tannas le fera aussi. C’est parce que les leaders ont compris collectivement la demande, mais qu’ils ne voulaient pas donner le droit de vote à la coordonnatrice législative que cela s’est retrouvé dans la motion, sinon il n’aurait pas été possible de nommer quelqu’un sans droit de vote au comité directeur.
Comme l’a dit le sénateur Housakos, c’est le fruit d’un compromis conclu pour répondre à une situation particulière. Merci.
L’honorable Scott Tannas : Je tiens à remercier le sénateur Quinn d’avoir proposé cet amendement, mais je ne l’appuierai pas. Je voterai contre cet amendement.
Comme d’autres leaders l’ont dit, nous faisons de notre mieux pour rédiger un document et parvenir à un consensus sur ce que nous pensons que la majorité des gens appuiera. Tout le monde n’accordera pas son appui pour autant.
Autrefois, à l’époque dont parle le sénateur Housakos, on ne nous informait pas de ce genre d’ententes; elles étaient simplement adoptées. Aucun document n’était distribué. Une entente était conclue. On ne nous informait pas. Les conservateurs posaient des questions qui semblaient indiquer qu’ils n’avaient pas été informés. C’est peut-être encore le cas aujourd’hui. Je l’ignore.
Le fait est que nous devrons prendre un peu plus de temps pour conclure des ententes avec les leaders afin d’obtenir la majorité au Sénat. Ce n’est pas le moment de déchirer sa chemise. C’est exactement ce qui doit se passer.
Lorsque je rejoins mon groupe après une réunion entre les leaders, je fais preuve d’une transparence totale. Nous avons lu ce document deux fois. J’ai rendu compte de son contenu. J’ai entendu des manifestations de mécontentement. Lorsque nous leur avons présenté le document hier, certains ont réagi vivement.
Je n’ai ni la capacité ni l’envie de dire : « Eh bien, c’est dommage. Nous savons que la majorité va voter en faveur, alors taisez-vous. » Je leur dis plutôt de venir à la Chambre et d’exprimer leurs préoccupations. Nous avons tous le droit de vote et notre libre arbitre. Nous vous écouterons. Nous voterons aujourd’hui et nous passerons à autre chose.
Pour moi, cela ne constitue en aucun cas une aberration du système britannique, du système américain ou de tout autre système démocratique. C’est plutôt placer le pouvoir là où il doit être, c’est-à-dire entre les mains de chacun d’entre nous. Merci.
Le sénateur Housakos : Sénateur Tannas, nous siégeons tous les deux dans cette enceinte depuis très longtemps. Il fut un temps où nous faisions partie du même groupe parlementaire au sein du gouvernement. Vous faites sans cesse référence à cette période où tous ces accords étaient conclus en secret et sans transparence. J’aimerais savoir où ces accords étaient conclus et de quelle période vous parlez. Si je me souviens bien, quand nous siégions ensemble, par exemple au Comité de l’énergie, celui-ci était présidé par un sénateur conservateur de notre caucus. Le vice-président était un membre de l’opposition officielle. Lorsque nous étions majoritaires au Sénat, le membre du comité directeur faisait partie du gouvernement.
(1620)
Étant donné que le comité directeur était composé de membres du gouvernement et de l’opposition et qu’ils établissaient l’ordre du jour du comité, que, à ce moment-là, les comités étaient composés à parts égales de membres du gouvernement et de l’opposition et qu’ils comptaient également quelques sénateurs indépendants — pas beaucoup, mais autant qu’aujourd’hui —, dont nous prenions soin, je ne sais pas trop où était le manque de transparence et où on concluait des accords à notre insu.
Le sénateur Tannas : Les dirigeants de mon groupe, honorables collègues, peuvent témoigner des histoires que nous entendons fréquemment, non seulement lors des réunions des leaders, mais aussi ici, à propos des dirigeants du Sénat, y compris votre prédécesseur, qui pouvaient échanger et discuter, et qui faisaient avancer les choses dans un esprit d’amitié entre un leader du gouvernement et un leader de l’opposition.
Nous savons que les choses se passaient ainsi. Vous le savez et je le sais également. Le fait est qu’elles ne se passent plus ainsi et que, selon toute vraisemblance, on ne verra plus cela avant quelques décennies ou au moins une décennie. Cela pourrait arriver, mais pour le moment, nous sommes dans une autre situation, et la grande majorité des sénateurs sont indépendants.
Soit dit en passant, vous avez raison. Il est un peu étrange que nous ayons des comités où tout le monde est représenté au sein du comité directeur, sauf le gouvernement. Tous les groupes ici présents sont représentés. L’opposition est représentée. Le gouvernement n’est pas représenté.
Cependant, il y a des membres et bien des gens des différents groupes qui sont du même avis que le gouvernement, et cela vient équilibrer les choses, mais nous sommes dans une situation différente en ce moment. Je ne trouve pas cela particulièrement troublant.
Je pense que ce qui est demandé dans ce cas-ci est un peu étrange. Pourquoi ne pas demander cela pour tous les comités si c’est ce que vous voulez? Tout ce que je dis, c’est que je ne pense pas qu’il y aura beaucoup de cas où nous pourrons conclure des ententes globales avec 105 sénateurs indépendants et où personne ne voudra s’opposer à un élément, le contester et en débattre. C’est sain. Il n’y a rien de mal à cela. Merci.
Le sénateur Housakos : Sénateur Tannas, je ne me souviens pas de ces jours sombres de la même manière que vous. Je me souviens que nous avions des discussions robustes et très animées chaque fois qu’il y avait des désaccords au sein de nos caucus respectifs. Parfois, les désaccords étaient tels qu’entre les deux caucus, de petites cabales se formaient pour faire valoir nos points de vue.
Toutefois, ce qui est le plus important dans le processus, quand je compare la glorieuse année 2025 aux jours sombres de 2012, c’est que nous ne passions pas des heures et des heures à la salle du Sénat à discuter du fonctionnement des travaux. Des heures et des heures, chers collègues.
Avec tout le respect que je vous dois, je pense que c’est vraiment très inefficace. En fin de compte, je n’ai pas vu beaucoup de différence au cours des 10 dernières années. Cette assemblée continue, en fin de compte, à soutenir le programme du gouvernement, car aucun d’entre nous n’est assez naïf pour penser qu’une Chambre non élue, dont les membres ont été nommés par deux premiers ministres qui ne siègent plus à la Chambre des communes, a le droit de freiner ou de retarder l’orientation et le programme d’un gouvernement.
Une fois de plus, le gouvernement pourrait très facilement, demain matin — et nous le savons tous, soyons honnêtes —, créer un caucus gouvernemental en un clin d’œil, et il serait bien servi; plusieurs sénateurs se joindraient à ce caucus. Ne nous leurrons pas. La seule raison pour laquelle nous nous prêtons à ce simulacre d’indépendance, dans cette Chambre non élue, c’est parce que le gouvernement y consent.
Tout ce que je dis, pour la légitimité de cette institution, c’est qu’il faut faire preuve de déférence à l’égard du gouvernement qui vous a donné l’occasion de tester cette formule. C’est tout ce que je dis.
Le sénateur Tannas : Merci pour ces observations. Je comprends exactement ce que vous avez dit. Je crois que nous y arriverons.
Le sénateur Housakos : Vous avez vous-même tenu des propos semblables.
Le sénateur Tannas : En effet. Je crois que nous arriverons exactement là où nous devons arriver, après avoir permis aux sénateurs d’agir de manière indépendante, de poser des questions et de proposer des changements. Si ce processus prend un peu plus de temps, j’en suis désolé.
La seule chose que vous n’avez pas mentionnée à propos de la période favorable que nous traversons actuellement, c’est le nombre d’amendements qui sont déposés maintenant par rapport à ceux qui étaient déposés auparavant. Les sénateurs exercent leur indépendance de multiples façons. Ainsi, environ 20 % des mesures faisant partie des affaires du gouvernement ont été amendées. S’il nous faut un peu plus de temps au début d’une session pour nous orienter et donner à chacun la possibilité de s’exprimer et de proposer ses idées, qu’il en soit ainsi. Merci.
Une voix : Bravo!
L’honorable Denise Batters : Tout d’abord, en ce qui concerne les amendements dont vient de parler le sénateur Tannas, la grande majorité d’entre eux venaient du gouvernement mais ont été présentés par des sénateurs indépendants afin d’apporter certaines corrections.
Cela dit, ma question porte en fait sur votre commentaire concernant l’ancienne façon de procéder. Nous étions tous les deux voisins de siège à l’époque où nous faisions partie du caucus gouvernemental. La question des ordres sessionnels et ce genre de choses retenaient aussi notre attention à l’époque, comme c’est le cas maintenant, n’est-ce pas? Les ordres sessionnels ne sont pas une invention récente de la législature actuelle ni des 10 dernières années. Nous avions des ordres sessionnels à l’époque, sous le gouvernement conservateur, tout comme nous en avons aujourd’hui.
Le sénateur Tannas : Je suis d’accord. À l’époque, je ne me souviens pas avoir assisté à des débats où les sénateurs qui étaient en désaccord avec certains points osaient prendre la parole.
L’honorable Mary Jane McCallum : Honorables sénateurs, le Comité de l’énergie a accompli un travail remarquable, qui se démarque par sa diversité. Tous les sénateurs peuvent se présenter devant n’importe quel comité pour donner leur avis. Ce qui m’inquiète, c’est que l’on parle d’un comité directeur. Comme je l’ai dit, je crois qu’il y a conflits d’intérêts, surtout parce qu’il s’agit principalement de questions touchant les Premières Nations.
Lorsque nous considérons le gouvernement qui cherche actuellement à accélérer la réalisation de certains projets, et sachant que les questions de consultation et de consentement préalable donné librement et en connaissance de cause semblent déjà être compromises et que les chefs d’un bout à l’autre du pays sont mécontents de la situation, je ne comprends pas pourquoi il faudrait qu’un représentant du gouvernement siège au comité directeur. Je soutiens l’amendement du sénateur Quinn. Merci.
L’honorable Pat Duncan : Honorables sénateurs, pour reprendre l’analogie du hockey du sénateur Housakos, je ne veux pas aller en période de prolongation. Je tiens toutefois à ajouter un point qui, à mon avis, n’a pas été soulevé, à savoir que le premier ministre est la seule personne à être invitée à prendre part aux discussions avec les chefs de l’Assemblée des Premières Nations et le conseil des premiers ministres provinciaux et territoriaux. Il a entendu ces préoccupations.
L’une des principales questions qui font actuellement l’objet d’un débat, c’est le programme du Canada en matière d’énergie et d’environnement, et ce comité en particulier. À mon avis, il est tout à fait raisonnable de demander qu’un représentant du gouvernement participe aux discussions du comité directeur afin de garantir que les informations dont le premier ministre a pris connaissance lors des tables rondes des premiers ministres et des chefs des Premières Nations soient transmises aux membres du comité directeur quand viendra le temps d’examiner le programme.
Je n’appuie pas cet amendement. Je voudrais que la question soit mise aux voix. Merci.
(1630)
Son Honneur la Présidente : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Des voix : Le vote!
Son Honneur la Présidente : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion de l’amendement veuillent bien dire oui.
Des voix : Oui.
Son Honneur la Présidente : Que les sénateurs qui sont contre la motion de l’amendement veuillent bien dire non.
Des voix : Non.
Son Honneur la Présidente : À mon avis, les non l’emportent.
(La motion d’amendement de l’honorable sénateur Quinn est rejetée avec dissidence.)
Adoption de la motion concernant les délibérations du Sénat et des comités pour le reste de la présente session
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Gold, c.p., appuyée par l’honorable sénatrice LaBoucane-Benson,
Que, nonobstant toute disposition du Règlement, tout ordre antérieur ou toute pratique habituelle, pour le reste de la présente session :
1.dès l’adoption par le Sénat d’un rapport du Comité de sélection concernant la composition des comités ou l’adoption du présent ordre, selon la dernière éventualité, lorsque le Sénat siège un mercredi, la séance soit levée à 16 heures comme s’il s’agissait de l’heure fixée pour la clôture de la séance prévue au Règlement, à moins que le Sénat ait suspendu ses travaux pour la tenue d’un vote reporté ou que la séance soit levée plus tôt, à condition que si un vote est reporté à un mercredi, ou à plus tard ce même jour un mercredi, il ait lieu à 16 h 15, la Présidente interrompant les délibérations immédiatement avant la levée de la séance, mais au plus tard à 16 heures, pour suspendre la séance jusqu’à 16 h 15, heure de la tenue du vote reporté, la sonnerie se faisant entendre à compter de 16 heures;
2.lorsque le Sénat siège un jeudi, il siège à 13 h 30;
3.le Sénat invite tout ministre de la Couronne qui n’est pas membre du Sénat à participer aux travaux du Sénat, au moins une fois toutes les deux semaines où le Sénat siège, pendant la période des questions, à une heure et une date désignées par le représentant du gouvernement au Sénat, après consultation avec le leader de l’opposition et les leaders et facilitateurs de tous les partis reconnus et groupes parlementaires reconnus, en répondant aux questions ayant trait à ses responsabilités ministérielles, selon les dispositions du Règlement et les ordres alors en vigueur, sous réserve des dispositions suivantes :
a)ni les sénateurs qui posent des questions, ni le ministre lorsqu’il répond, ne doivent se lever;
b)le représentant du gouvernement au Sénat, en consultation avec le leader de l’opposition et les leaders et facilitateurs de tous les partis reconnus et groupes parlementaires reconnus, désigne le ministre qui comparaîtra lors d’une telle période des questions;
c)au début de l’ordre du jour, le représentant du gouvernement au Sénat ou la coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat informe le Sénat, dès que possible et à l’avance mais au plus tard à la séance qui précède le jour où le ministre doit comparaître, de l’heure et de la date de la période des questions avec un ministre, ainsi que du nom du ministre désigné;
d)si un vote par appel nominal coïncide avec le temps pour la période des questions avec un ministre conformément aux dispositions du présent ordre, ce vote soit reporté et ait lieu immédiatement après la période des questions;
e)si la sonnerie pour un vote retentit au moment de la période des questions avec un ministre conformément aux dispositions du présent ordre, elle cesse de se faire entendre pendant la période des questions et retentisse de nouveau à la fin de la période des questions pour le temps restant;
f)les sénateurs disposent au plus d’une minute pour poser toute question principale, les ministres disposent au plus d’une minute et trente secondes pour répondre à toute question principale, les sénateurs disposent au plus de 45 secondes pour poser une question supplémentaire et les ministres disposent au plus de 45 secondes pour répondre à une question supplémentaire;
g)la période des questions dure au plus 64 minutes;
4.lors de toute autre période des questions, les questions principales et les réponses soient limitées à une minute chacune, suivies d’un maximum d’une question supplémentaire par question principale, ces questions et réponses supplémentaires étant limitées à 30 secondes chacune;
5.le Comité de sélection soit un comité permanent;
6.le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants soit composé de 12 sénateurs, en plus des membres d’office, à condition que si des membres ont été nommés au comité avant l’adoption du présent ordre, les membres additionnels soient recommandés par le Comité de sélection;
7.sans que cela ait une incidence sur toute autorité séparément accordée à un comité de se réunir pendant que le Sénat siège :
a)les comités devant se réunir un mardi soient autorisés à le faire à partir de 18 h 30, même si le Sénat siège à ce moment-là, à condition que le Sénat ait terminé les affaires du gouvernement pour la séance;
b)les autres comités qui se réunissent pour des affaires du gouvernement soient autorisés à se réunir le mardi à partir de 18 h 30 ou à la fin des affaires du gouvernement, selon la dernière éventualité, sous réserve de l’approbation par la majorité des whips et des agents de liaison, et sous réserve de la capacité et de la disponibilité des ressources nécessaires;
c)il soit entendu que le pouvoir accordé aux leaders et aux facilitateurs, ou leurs délégués, conformément à l’article 3 du chapitre 5:03 du Règlement administratif du Sénat, ne soit pas, sous réserve de la capacité et de la disponibilité des services, affecté par les dispositions du présent ordre;
8.les comités mixtes soient autorisés, en ce qui concerne le Sénat, à tenir des réunions hybrides ou entièrement par vidéoconférence, les dispositions suivantes ayant effet lors de telles réunions :
a)tous les membres qui participent font partie du quorum;
b)ces réunions sont considérées comme ayant lieu dans l’enceinte parlementaire, peu importe où se trouvent les participants, sous réserve du sous-point d)(i);
c)le comité est tenu d’aborder les réunions à huis clos avec la plus grande prudence et toutes les précautions nécessaires, en tenant compte des risques pour la confidentialité des délibérations à huis clos inhérents à ces technologies;
d)sous réserve des variations qui pourraient s’imposer à la lumière des circonstances, pour participer à une réunion de comité par vidéoconférence, les sénateurs doivent :
(i)participer à partir d’un bureau désigné ou d’une résidence désignée au Canada;
(ii)utiliser un appareil et un casque d’écoute avec microphone intégré fournis par le Sénat et autorisés pour les vidéoconférences avec interprétation;
(iii)être les seules personnes visibles pendant la vidéoconférence;
(iv)avoir la fonction vidéo activée et être visibles à l’écran en tout temps, à moins que la réunion soit suspendue;
(v)quitter la vidéoconférence s’ils quittent leur siège, à moins que la réunion soit suspendue;
9.tout comité sénatorial soit autorisé à nommer des sénateurs qui ne sont pas membres du comité à ses sous-comités, à l’exception de son Sous-comité du programme et de la procédure, sous réserve qu’il soit entendu qu’aucun membre du Comité permanent de l’audit et de la surveillance ne peut être nommé à un sous-comité du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration en vertu du présent ordre, et inversement;
10.le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles soit autorisé à nommer la coordonnatrice législative du gouvernement à titre de membre sans droit de vote de son Sous-comité de programme et de la procédure, s’il établit un tel sous-comité, sans que, il soit entendu, la limite établie au point 9 s’y applique;
Que le Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement :
1.soit autorisé à étudier, afin d’en faire rapport, l’inclusion de dispositions concernant la période des questions avec un ministre dans le Règlement du Sénat, avec des recommandations quant aux amendements;
2.soumette son rapport final au plus tard le 18 décembre 2025;
Qu’un message soit transmis à la Chambre des communes relativement au point 8 du premier paragraphe du présent ordre, afin de l’en informer.
Des voix : Le vote!
Son Honneur la Présidente : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.
Des voix : Oui.
Son Honneur la Présidente : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.
Des voix : Non.
Son Honneur la Présidente : À mon avis, les oui l’emportent.
Et deux honorables sénateurs s’étant levés :
Son Honneur la Présidente : Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie?
Des voix : Maintenant.
Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé?
Des voix : D’accord.
La motion, mise aux voix, est adoptée :
POUR
Les honorables sénateurs
| Adler | LaBoucane-Benson |
| Al Zaibak | Lewis |
| Arnold | Loffreda |
| Arnot | MacAdam |
| Ataullahjan | MacDonald |
| Batters | Manning |
| Black | Martin |
| Boudreau | Massicotte |
| Boyer | McNair |
| Burey | Mégie |
| Busson | Miville-Dechêne |
| Cardozo | Mohamed |
| Clement | Muggli |
| Cormier | Oudar |
| Dalphond | Pate |
| Dasko | Petitclerc |
| Deacon (Nouvelle-Écosse) | Petten |
| Deacon (Ontario) | Poirier |
| Dean | Prosper |
| Dhillon | Pupatello |
| Downe | Quinn |
| Duncan | Ringuette |
| Forest | Saint-Germain |
| Francis | Seidman |
| Fridhandler | Senior |
| Gerba | Simons |
| Gold | Smith |
| Greenwood | Surette |
| Hay | Tannas |
| Hébert | Varone |
| Henkel | Wells (Alberta) |
| Housakos | White |
| Ince | Wilson |
| Karetak-Lindell | Youance—68 |
CONTRE
Les honorables sénateurs
| Anderson | Richards |
| McCallum | Wells (Terre-Neuve-et-Labrador)—5 |
| McPhedran |
ABSTENTIONS
Les honorables sénatrices
| Moodie | Wallin—3 |
| Verner |
(1640)
Projet de loi concernant l’élaboration d’un cadre national sur le revenu de base garanti suffisant
Deuxième lecture—Ajournement du débat
L’honorable Kim Pate propose que le projet de loi S-206, Loi concernant l’élaboration d’un cadre national sur le revenu de base garanti suffisant, soit lu pour la deuxième fois.
— Honorables sénateurs, selon les recherches les plus récentes, le Canada dépense plus de 92 milliards de dollars par année pour financer des mesures qui maintiennent les gens dans la pauvreté, au lieu d’investir dans des approches qui leur permettraient de s’en sortir. Le Canada dépense des milliards de dollars pour contrôler l’accès aux programmes d’aide sociale et surveiller les prestataires, alors que ces programmes sont insuffisants. Nous dépensons des milliards de dollars pour payer des traitements médicaux d’urgence destinés aux personnes qui n’ont pas de logement, qui ne bénéficient pas de soins de santé et qui vivent dans l’insécurité alimentaire, pour traiter des maladies évitables et pour financer des cellules remplies de personnes pauvres, itinérantes et aux prises avec des problèmes de santé mentale et de toxicomanie. Nous perdons des milliards de dollars en capacité économique inexploitée et en recettes fiscales provenant de ceux que nous avons ignorés au lieu de les inclure et de leur donner les moyens de se prendre en charge.
Il est difficile de mesurer toutes les répercussions humaines, sociales et financières de la pauvreté. La pauvreté est inextricablement liée à tous les aspects de l’économie canadienne et elle a un effet négatif sur ceux-ci. Ses répercussions sur la société, la santé et l’humanité sont considérables. Trop de services et de systèmes financiers sont perçus comme incertains, peu fiables, épuisants et démoralisants, ce qui renforce les stéréotypes nuisibles et discriminatoires qui étiquettent à tort comme moins performantes et moins dignes de confiance les personnes que le Canada choisit d’abandonner à la pauvreté, à l’itinérance et aux crises connexes.
En m’exprimant aujourd’hui sur le territoire traditionnel, non cédé et non restitué des Algonquins anishinaabeg, je souligne que ceux que nos gouvernements choisissent d’abandonner sont de manière disproportionnée des femmes, des Autochtones, des Noirs et d’autres personnes racisées, ainsi que des personnes handicapées.
Le Sénat sait depuis longtemps que le Canada peut et doit faire mieux. Depuis plus de 50 ans, des sénateurs de toutes les affiliations font valoir l’idée d’offrir à tous les Canadiens qui vivent dans la pauvreté des transferts en espèces suffisants pour subvenir à leurs besoins, les transferts en espèces étant considérés comme un moyen intelligent, substantiel et rentable de dépenser moins pour lutter contre la pauvreté et d’investir davantage dans les gens d’une manière avantageuse pour tous.
Dans le rapport de 1971 du Comité spécial du Sénat sur la pauvreté, le sénateur Croll et ses collègues exhortaient le gouvernement à intervenir immédiatement en instaurant un revenu de base, car ils estimaient « qu’on ne pouvait demander aux pauvres d’attendre, des années durant, l’aide dont ils ont un si pressant besoin ».
Ce rapport date de plus d’un demi-siècle. Depuis, les enfants qui vivaient dans la pauvreté sont devenus des adultes, puis des aînés qui vivent toujours dans la pauvreté. Combien de temps encore sommes-nous prêts à demander aux Canadiens d’attendre pour avoir accès à la nourriture, au logement et aux traitements dont ils ont besoin? Combien d’autres nuits, semaines, mois, années ou générations? Combien d’autres vies seront sacrifiées?
Le revenu de base garanti suffisant n’est pas une idée nouvelle. Alors que je présente le projet de loi S-206, qui propose un cadre national pour la mise en œuvre d’un revenu de base garanti suffisant, je souhaite examiner certaines des raisons pour lesquelles les Canadiens d’aujourd’hui appuient ce projet de loi. Je souhaite également définir ce que nous entendons par revenu de base garanti suffisant, démystifier certaines idées reçues et discuter des raisons pour lesquelles le moment est venu, alors que l’économie et la souveraineté du Canada sont menacées par notre voisin du Sud, d’aller de l’avant avec un revenu de base garanti suffisant.
Je tiens toutefois à souligner tout d’abord le travail collectif accompli par les Canadiens sur cette question et notre travail collectif au Sénat. Je remercie tous ceux d’entre vous qui, comme moi, préconisent la mise en place d’un revenu de base. Nous sommes tout particulièrement reconnaissants envers les membres du Comité des finances pour leur étude de la version précédente de ce projet de loi, c’est-à-dire le projet de loi S-233. Je reconnais les progrès graduels essentiels réalisés au niveau fédéral, grâce aux efforts inlassables des groupes communautaires, depuis la présentation initiale de ce projet de loi.
En particulier, en réponse à une proposition d’un gouvernement progressiste-conservateur provincial visant à instaurer un revenu de base garanti suffisant, le gouvernement fédéral a mis sur pied un groupe de travail sur ce sujet avec le gouvernement de l’Île-du-Prince-Édouard. Les dirigeants des Premières Nations de l’île, notamment la cheffe Darlene Bernard de la Première Nation de Lennox Island et coprésidente de l’Epekwitk Assembly of Councils, ont fait preuve d’un leadership remarquable dans ce dossier. Je tiens également à souligner le travail accompli par mes collègues sénateurs de l’Île-du-Prince-Édouard, tant dans le passé qu’à l’heure actuelle, tous groupes confondus.
À l’échelle nationale, parallèlement aux formes existantes de revenu de base pour les familles avec enfants et les Canadiens âgés, le gouvernement a mis en place la Prestation canadienne pour les personnes handicapées, mais il reste encore beaucoup à faire pour que ce programme tienne ses promesses et dépasse la forme limitée qu’il a actuellement.
Chers collègues, nous sommes nombreux à constater, dans nos communautés, les efforts déployés sur le terrain, à l’échelon local, pour soutenir un revenu de base garanti suffisant. Beaucoup d’entre nous viennent d’une des nombreuses municipalités canadiennes qui ont adopté une résolution en faveur du revenu de base. Ottawa est l’une des dernières à s’être jointe à ce groupe.
Les partisans du revenu de base garanti suffisant dans les communautés et la société civile se trouvent tant dans les services de santé locaux et les associations de santé qu’à l’Association canadienne de santé publique, tant dans les syndicats locaux qu’à l’Alliance de la Fonction publique du Canada, tant dans les refuges pour femmes à l’échelon local qu’à Hébergement femmes Canada, au Fonds d’action et d’éducation juridiques pour les femmes, à l’Association nationale Femmes et Droit, tant dans les banques alimentaires à l’échelon local que derrière la campagne nationale « Put Food Banks Out of Business » et parmi Les diététistes du Canada. On observe le même soutien dans les églises locales, au sein de l’Église anglicane du Canada, de l’Église Unie du Canada, de l’Église évangélique luthérienne au Canada et chez le regretté pape.
Le Sénat a bénéficié du leadership du sénateur Croll dans les années 1970 et du duo dynamique conservateur-libéral formé par les sénateurs Segal et Eggleton dans les années 2000 et 2010. À plusieurs décennies d’intervalle, leurs travaux ont donné lieu à deux études approfondies et remarquables du Sénat sur la pauvreté, dont la principale recommandation, dans les deux cas, consistait à garantir un revenu de base suffisant pour vivre. En 2020, le Comité des finances nationales, présidé par le sénateur conservateur Mockler, un ardent défenseur des personnes en situation de pauvreté, a ajouté à ces annales en recommandant au gouvernement d’examiner en priorité la question du revenu de base garanti suffisant. La même année, 50 sénateurs, soit la majorité du Sénat à l’époque, ont signé une lettre adressée au premier ministre contenant une proposition similaire.
Le revenu de base garanti est tout à fait dans l’esprit du Sénat, qui a pour mission de représenter les groupes marginalisés ou dits minoritaires et d’adopter une perspective à long terme sur les intérêts supérieurs du Canada et le bien-être de tous les Canadiens. Aujourd’hui, alors qu’un Canadien sur quatre n’a pas les moyens de subvenir à ses besoins essentiels, que 85 % des Canadiens survivent d’un chèque de paie à l’autre et que nous connaissons les conséquences de cette précarité sur les collectivités et les économies canadiennes, j’exhorte mes collègues à faire en sorte que le Sénat joue une fois de plus son rôle. Nous pouvons le faire en renvoyant le projet de loi au comité dès que possible.
Lorsque je discute avec mes collègues ici présents et avec des Canadiens de partout au pays, je suis frappée par les raisons diverses, mais interreliées, qui poussent les gens à s’intéresser au potentiel d’un revenu de base garanti. La plupart ont trait aux innombrables avantages qui découlent de la lutte contre la pauvreté et l’instabilité économique. Des artistes et des entrepreneurs m’ont dit qu’un revenu de base garanti donnerait aux gens la marge de manœuvre nécessaire pour innover et leur permettrait de prendre des risques créatifs sans tout perdre. Une telle mesure aiderait les agriculteurs et les pêcheurs à se redresser au lieu d’être privés de revenus entre et après les saisons difficiles. Grâce à elle, les experts en santé pourraient observer une réduction des hospitalisations et, plus particulièrement, des crises de santé mentale. Pour les environnementalistes, le revenu de base garanti suffisant pourrait aider les gens à survivre à des conditions météorologiques extrêmes et leur donner les moyens de prendre soin de notre planète. Pour les experts en sécurité nationale, ce revenu pourrait contribuer à lutter contre les privations et les divisions qui peuvent conduire à la radicalisation. Le revenu de base garanti suffisant pourrait représenter un pas vers la correction des inégalités économiques historiques et persistantes que subissent depuis longtemps les communautés noires et autochtones. Il pourrait permettre de protéger les femmes maltraitées, que ce soit chez elles ou dans la rue.
(1650)
Si j’ai commencé à croire en la nécessité d’un tel revenu, c’est en raison des décennies que j’ai passées à travailler et à marcher côte à côte avec tant de personnes, en particulier des femmes autochtones, prises au piège de la pauvreté et du système de justice pénale, des services de protection de l’enfance et de l’aide sociale, ainsi que des systèmes de soins de santé mentale.
Aujourd’hui, les programmes d’aide sociale partout au Canada sont tellement inadéquats et restrictifs qu’il est pratiquement impossible pour les personnes qui en ont le plus besoin d’avoir accès à un logement sûr, à de la nourriture, à des médicaments et à d’autres produits de première nécessité. Paradoxalement, les programmes d’aide sociale nuisent aux gens plutôt que de les aider à se sortir de la pauvreté. Ils plongent les gens dans une pauvreté profonde et souvent intergénérationnelle. Les restrictions sur la capacité des bénéficiaires à travailler, voire à faire du bénévolat, combinées à un financement limité pour les services dentaires et pharmaceutiques, ainsi qu’à un accès limité aux logements subventionnés et aux services de garde d’enfants, maintiennent les gens dans la dépendance en pénalisant leurs efforts pour s’en sortir. Il n’est pas étonnant que les efforts désespérés déployés pour survivre à de telles conditions aient trop souvent pour effet de pénaliser les gens, voire de les judiciariser.
De même, la pauvreté augmente les risques de victimisation. Les personnes pauvres et autrement marginalisées sont trop souvent forcées de vivre dans la rue, forcées d’endurer leurs problèmes de santé mentale sans les faire traiter, forcées de rester dans une relation violente ou dans d’autres situations dangereuses. Pour deux femmes sur cinq au Canada, quitter un partenaire violent signifierait se retrouver à la rue. En restant dans des situations de violence, les femmes sont plus à risque non seulement d’être victimisées davantage, mais aussi d’être judiciarisées, surtout si elles réagissent avec force pour se défendre ou défendre leurs enfants. Parmi les femmes détenues dans les prisons fédérales, 9 sur 10 ont déjà été victimes de violence physique ou sexuelle, presque toujours dans un contexte où elles n’avaient pas les ressources financières nécessaires pour se sortir de leur situation et n’avaient aucun endroit sûr où aller.
Comme Mme Evelyn Forget nous le rappelle : « Quatre-vingt pour cent des femmes qui sont incarcérées le sont pour avoir commis un crime lié à la pauvreté. » Les femmes autochtones représentent la moitié des détenues dans les prisons fédérales et constituent toujours la population carcérale qui croît le plus rapidement au Canada. Devant ces réalités, nous ne pouvons pas ignorer la toile de fond de pauvreté, d’inégalité et de violence à l’égard des femmes, de violence systémique et de violence coloniale.
Imaginez une adolescente qui s’enfuit pour échapper à des membres de sa famille qui l’agressent sexuellement. Toutefois, elle n’a nulle part où aller : elle n’a ni amis ni famille vers qui se tourner, pas d’argent, pas de moyen de transport et peut-être aucune connaissance des aides ou des programmes sociaux disponibles, bien que nettement insuffisants. Où iriez-vous? Que feriez-vous?
Cette adolescente s’est réfugiée dans une école. Elle a été accusée d’introduction par effraction et a été condamnée à une peine d’emprisonnement. En prison, elle a résisté lorsque le personnel l’a fouillée à nu. Le personnel a réagi en lui infligeant des périodes d’isolement de plus en plus longues, des conditions sévères, punitives, inhumaines et cruelles. Les dommages physiques, psychologiques et neurologiques irréparables qui en ont résulté étaient prévisibles. Tout cela aurait pu être évité.
Chers collègues, nous connaissons la suite de l’histoire. Vous l’avez entendue lors du débat d’hier sur un autre projet de loi présenté au Sénat : la loi de Tona. Cette histoire faisait partie du terrible parcours de Tona. Il a fallu à Tona et à ses partisans trois décennies de lutte acharnée pour réparer ces torts et pour que Tona sorte du système carcéral et du système de santé mentale. Tona, qui est en phase terminale et désormais dans une unité de soins palliatifs, ne se remettra jamais de ce qu’elle a vécu. Les injustices qu’elle a subies persistent et continuent de détruire la vie de nombreuses autres personnes.
J’ai travaillé avec Tona et beaucoup d’autres personnes et je les ai accompagnées pour tenter de trouver les moyens d’obtenir le soutien et les relations dont elles ont besoin pour s’intégrer à leur collectivité et y contribuer. Malheureusement, j’ai vu le Canada gaspiller des centaines de milliers de dollars par personne et par année dans des cages, des cellules et l’isolement, qui ne rendent personne plus sûr.
Nos voisins du Sud invoquent le fentanyl comme prétexte pour imposer des droits de douane punitifs au Canada et des personnes alarmistes proposent comme solution à la crise sanitaire, à la crise de l’itinérance et à la crise du fentanyl d’imposer aux gens des peines obligatoires d’emprisonnement à perpétuité. Or, il convient de rappeler que les programmes qui visent prétendument à sévir contre la criminalité et à lutter contre la drogue frappent toujours plus durement les plus vulnérables. Il ne faut pas oublier que ces programmes engloutiraient des dizaines de milliards de dollars de fonds publics, qui pourraient être bien mieux investis dans l’intérêt de toute la population.
Comme l’a calculé le directeur parlementaire du budget, les approches répressives existantes de lutte contre la criminalité coûtent aux Canadiens des milliards de dollars en impôts, et le Canada n’a aucun résultat à présenter pour ces énormes dépenses, si ce n’est des prisons qui ne sont pas remplies par ceux qui causent le plus de tort ou qui ont le plus profité du trafic de stupéfiants ou du crime organisé, mais bien par les gens qui sont les plus faciles à attraper et à judiciariser parce qu’ils sont pauvres, racisés ou sans-abri et, par conséquent, plus visibles. Les personnes qui souffrent de toxicomanie et de problèmes de santé mentale et qui vivent à la dure dans la rue, sous le regard du public, sont les plus susceptibles d’être arrêtées et incarcérées.
Un cadre national sur le revenu de base garanti suffisant pourrait s’attaquer aux causes profondes de la criminalisation tout en étant rationnel d’un point de vue économique. Lorsqu’il s’agit de prévenir la criminalité et d’améliorer la sécurité publique, les idées simplistes déguisées en solutions ne fonctionnent simplement pas, et elles ne fonctionneront jamais. Au lieu de gaspiller de l’argent, le gouvernement doit investir intelligemment dans les Canadiens. Nous devons investir dans la collectivité afin de garantir que nous puissions tous prospérer et que personne ne soit contraint de faire des choix désespérés et impensables.
Je suis venue dans cette enceinte — avec sa longue histoire de leadership en matière de revenu de base garanti suffisant — pour travailler sur l’accès à des logements adéquats et à des mesures de soutien sur les plans économique, social et de la santé qui permettraient non seulement de réparer, mais aussi de prévenir les mensonges et les injustices dont j’ai été témoin dans les milieux défavorisés, en particulier pour les personnes qui ont été laissées pour compte par les systèmes sociaux, économiques et de santé actuels et qui se sont retrouvées piégées dans le système de justice criminelle.
Un revenu de base garanti suffisant peut permettre d’éviter des crimes. Dans les années 1970, lors d’un projet pilote portant sur un revenu de base mené à Dauphin, au Manitoba, le taux de criminalité a diminué de 17,5 % par rapport à des villes comparables où il n’y avait aucun revenu de base. Cela représente un total de 1 400 crimes, incluant 350 crimes violents, évités par 100 000 habitants. Les chercheurs ont expliqué que le nombre de crimes violents en particulier avait diminué en raison de la baisse générale du stress financier et à l’autonomisation financière des femmes, ce qui a également diminué les risques d’agression contre un partenaire intime. Des recherches suggèrent également que les programmes d’accompagnement destinés aux anciens détenus réduisent la criminalité et présentent des avantages financiers. Une recherche menée à Vancouver, et qui est particulièrement pertinente dans le contexte de la crise du fentanyl, a aussi démontré que lorsque les sans-abri, y compris ceux qui souffrent de toxicomanie et de troubles mentaux, reçoivent des transferts en espèces, ils sont en mesure de trouver et de conserver un logement stable, et finissent par consacrer moins d’argent aux drogues et à l’alcool.
Un revenu de base garanti suffisant peut également aider les victimes et les survivantes. Le Centre canadien pour l’autonomisation des femmes rapporte que 95 % des personnes ayant un partenaire violent ont subi de l’exploitation financière et du contrôle financier. Les agresseurs contractaient souvent des dettes au nom de leur partenaire afin de nuire à sa cote de crédit et de limiter sa capacité à mettre fin à la relation.
Lors de son témoignage devant le Comité des finances nationales sur le projet de loi qui constitue la version précédente de cette mesure législative, l’ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels a souligné :
Le rapport de 2009 sur les victimes et les survivants d’actes criminels au Canada a révélé que les survivants absorbaient 10 milliards de dollars en coûts. On a connu une inflation importante depuis. Ce sont des choses qui éloignent les gens du marché du travail et des domaines où ils peuvent contribuer davantage. Il existe toute une science de la prévention du crime qui s’harmoniserait bien avec les principes du revenu de subsistance garanti [...]
Selon les recherches, le principal obstacle à l’éradication de la violence entre partenaires intimes est l’incapacité à réduire la pauvreté et l’insécurité économique. Des transferts monétaires soigneusement conçus, notamment des revenus de base, ont permis de réduire la violence physique et émotionnelle entre partenaires intimes, de fournir des ressources financières pour échapper à la violence, de réduire l’exploitation sexuelle, d’accroître l’autonomie dans la prise de décisions sexuelles et de renforcer le sentiment d’autonomie et les réseaux de soutien.
S’appuyant sur de nombreuses preuves et sur les expériences vécues par les victimes et les survivants, l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées a souligné le besoin d’établir un revenu de base garanti suffisant à l’échelle nationale dans ses appels à la justice 4.5 et 16.20, car c’est là un moyen essentiel de soutenir les femmes et les filles autochtones, de démanteler le colonialisme économique et de prévenir d’autres préjudices à l’avenir.
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La plupart des personnes qui ont été victimes d’actes criminels veulent avoir l’assurance que plus personne ne revivra ce qu’elles ont vécu, ni elles ni personne d’autre. À cet égard, les mesures prévues par le droit pénal actuel sont malheureusement insuffisantes. Le revenu de base garanti pourrait être un pas vers la concrétisation de cette promesse faite par le Canada aux victimes et aux survivants.
Le revenu de base garanti a beaucoup à offrir au Canada. Vous vous demandez peut-être où est le piège.
La réponse est simple : il n’y en a pas. Pour une fraction de ce que les Canadiens dépensent actuellement pour maintenir les gens dans la pauvreté, nous pourrions nous doter d’un système qui offre à des millions de personnes des moyens de sortir de la pauvreté et leur donne des choix, des possibilités et de l’espoir.
Le projet de loi S-206 obligerait le gouvernement fédéral à élaborer un cadre pour la mise en œuvre d’un revenu de base garanti suffisant, en créant un mandat et un forum au sein du gouvernement fédéral pour la collaboration et la prise de décisions entre les différents pouvoirs publics sur la manière dont un revenu de base garanti suffisant pourrait être élaboré et mis en œuvre au Canada.
Ce processus de collaboration met l’accent sur le respect des compétences et des décisions des pouvoirs publics, des Premières Nations, des Inuit, des Métis, du fédéral, des provinces, des territoires et des municipalités. Il reconnaît également que les pouvoirs publics qui se trouvent en première ligne pour faire face à la crise du logement et de l’itinérance, qui répondent aux besoins des citoyens qui n’ont pas les moyens de se nourrir ou qui doivent composer avec les répercussions de la pauvreté sur le système de santé, sont souvent ceux qui souhaitent explorer la possibilité d’un revenu de base garanti, mais ils ont besoin de l’appui du gouvernement fédéral pour le mettre en œuvre.
Ce projet de loi ne prescrit pas une conception ou un modèle particulier de revenu de base garanti suffisant. C’est aux gouvernements, aux experts et aux communautés qu’il appartiendra de le déterminer. Cette approche reflète à quel point il est crucial de bien le définir le concept. Le projet de loi établit toutefois quelques paramètres essentiels pour guider l’élaboration, en s’appuyant sur des décennies de recherche, d’expertise, de preuves et d’expériences vécues.
Tout d’abord, le revenu de base garanti suffisant doit être universellement accessible aux personnes dans le besoin. Toute personne dont le revenu est inférieur à un certain seuil doit pouvoir avoir accès à ces transferts en espèces. À mesure que le revenu d’une personne en provenance d’autres sources augmente — par exemple, grâce à un nouvel emploi —, le montant du revenu de base garanti suffisant diminuerait progressivement. Un programme national doit être soigneusement conçu pour garantir que, contrairement aux trop nombreux programmes d’aide sociale provinciaux et territoriaux existants, les personnes ne soient jamais découragées de travailler et qu’elles ne perdent jamais accès à des prestations et programmes en matière de santé à cause d’un travail rémunéré.
Contrairement à ce que l’on appelle généralement le « revenu de base universel », les personnes aisées qui n’ont pas besoin d’aide ne recevraient pas de transfert en espèces afin que le programme ait le plus grand impact possible et qu’il soit le plus rentable possible. Le programme n’est universel que pour ceux qui en ont besoin.
Deuxièmement, le revenu de base garanti doit être viable. Il doit être suffisant pour couvrir les besoins essentiels et permettre aux personnes de sortir de la pauvreté où qu’elles vivent, y compris dans les communautés isolées, dans les réserves et dans le Nord.
Les programmes d’aide sociale actuels ne permettent pas de subvenir aux besoins essentiels. En effet, 98 % des bénéficiaires d’une aide sociale ne parviennent pas à sortir de la pauvreté et 71 % vivent dans une situation d’extrême pauvreté. Parce qu’ils doivent s’en tenir au strict minimum, les gens sont coincés en marge de la société. Ils sont contraints de faire des choix impossibles et inacceptables, notamment entre se nourrir, se procurer des médicaments ou se loger. Ils sont constamment au bord d’une situation de crise ou d’urgente nécessité.
Le Conseil consultatif national sur la pauvreté met en lumière le lien existant entre cette réponse inadéquate à la pauvreté et l’idée pernicieuse que les gens dans le besoin tentent de profiter du système en demandant des aides. Voici ce qui ressort des consultations :
[...] les critères d’admissibilité des programmes sont choisis expressément pour exclure les « tricheurs » [...] Certains ont aussi le sentiment que les ressources sont rationnées et étudiées avec soin pour veiller à ce que chaque bénéficiaire admissible reçoive « juste ce qu’il faut » pour survivre.
Comme l’a résumé un des participants aux consultations : « On essaie simplement d’avoir de quoi se nourrir, et les gens nous voient comme des tricheurs. Ça détruit l’âme. »
Les recherches sur la psychologie de la pauvreté, notamment celles de la professeure Jiaying Zhao, de l’Université de Colombie-Britannique, démontrent à quel point il est épuisant de prendre des décisions quand les ressources sont insuffisantes. À chaque instant de la journée, les personnes en situation de pauvreté doivent faire des efforts cognitifs supplémentaires pour trouver des compromis, optimiser leurs choix et joindre les deux bouts. Ce fardeau cognitif permanent réduit leur capacité de se concentrer sur la planification financière à long terme.
Les recherches de la professeure Zhao montrent qu’offrir une formation financière ou un encadrement financier à des personnes qui vivent dans la pauvreté n’a aucun effet sur leur capacité d’économiser ou de dépenser de l’argent efficacement. Toute l’information budgétaire du monde est peu utile pour quelqu’un qui n’a pas d’argent. Il faut plutôt un transfert de fonds suffisant pour permettre aux gens de sortir du mode survie.
Un revenu de base garanti doit être suffisant pour permettre aux gens d’arrêter de consacrer toute leur énergie et toutes leurs ressources à leur survie quotidienne, c’est-à-dire trouver de quoi se nourrir, se loger et se réchauffer, afin qu’ils puissent planifier et espérer pour l’avenir.
Une troisième exigence connexe prévue dans le projet de loi S-206 est qu’un revenu de base garanti suffisant ne doit être assorti d’aucune condition. Contrairement aux programmes d’aide sociale actuels, les gens n’auraient pas à respecter des exigences qui sont trop souvent irréalistes et mal adaptées à la réalité des personnes vivant dans la pauvreté, qui soumettent tous les aspects de leur vie à un examen minutieux et qui les exposent à un risque constant de perdre le peu d’avantages dont ils bénéficient. Ces politiques sont déshumanisantes. Elles sont également coûteuses sur le plan financier. Vérifier l’admissibilité des personnes et surveiller leur comportement nécessitent d’énormes ressources administratives et aggravent la situation, au lieu de l’améliorer.
Dans un exemple fourni par Mme Evelyn Forget, une mère seule de deux enfants bénéficiant de l’aide sociale comptait améliorer ses perspectives d’emploi et sortir de la pauvreté en suivant une formation professionnelle. Comme elle bénéficiait de l’aide sociale, on s’attendait à ce qu’elle continue à travailler ou à chercher des emplois peu rémunérés et devait obtenir l’autorisation d’un travailleur social avant de pouvoir suivre une formation. Le travailleur social n’a pas vu l’intérêt du projet de cette femme et l’a rejeté.
Pour cette femme, l’inscription au projet pilote sur le revenu de base du Manitoba a été d’une aide cruciale. N’ayant plus de comptes à rendre à un travailleur social, elle s’est inscrite à la formation, ce qui a ouvert la porte à des débouchés pour augmenter ses revenus. Elle était fière d’être un modèle d’indépendance pour ses deux filles.
Le revenu de base garanti suffisant permettrait aux gens de faire les choix qui leur conviennent pour sortir de la pauvreté et s’épanouir.
Enfin, le projet de loi S-206 réaffirme que le revenu de base garanti suffisant doit faire partie d’un solide filet de sécurité sociale. Bien que certaines formes moins généreuses d’aide au revenu, comme l’aide sociale provinciale et territoriale, puissent ne plus être nécessaires, le revenu de base garanti suffisant ne remplacerait pas nécessairement les programmes et les mesures de soutien liés à des besoins particuliers, par exemple ceux qui sont destinés aux Autochtones, aux personnes handicapées ou aux personnes qui prennent leur retraite ou perdent leur emploi. Le programme ne doit pas plonger les personnes à faible revenu dans une situation plus difficile.
Il ne devrait pas non plus remplacer ou supprimer les programmes sociaux et ceux en matière de logement, de santé, d’éducation ou de travail ni les protections offertes dans ces domaines. Plutôt, il aiderait à éviter qu’un manque d’argent pour subvenir à des besoins essentiels nuise à l’accès à ces mesures ainsi qu’à la prise de décisions quant au meilleur moyen de prendre soin de soi, de sa famille ou de sa communauté.
Nous avons parlé de ce qu’est un revenu de base garanti suffisant. Je voudrais également aborder ce qu’il n’est pas, en particulier trois mythes et idées fausses à la fois persistants et pernicieux.
D’abord, le revenu de base garanti suffisant n’est pas une mesure qui n’a jamais été mise à l’essai. Comme nous l’avons entendu haut et fort au comité, il existe de nombreuses données qui démontrent comment un revenu de base garanti suffisant pourrait être conçu et quels résultats on pourrait s’attendre à obtenir au Canada.
Le Canada dispose d’une forme de revenu de base pour les enfants, l’Allocation canadienne pour enfants, et pour les personnes âgées, le Supplément de revenu garanti. La Prestation canadienne pour les personnes handicapées vise à offrir une aide semblable aux personnes handicapées.
Le Manitoba et l’Ontario ont déjà mené des projets pilotes de revenu de base temporaire. La nation crie et le gouvernement du Québec administrent conjointement une forme de revenu de base permanent, le Programme de sécurité économique pour les chasseurs cris. À l’échelle provinciale, le Québec offre une forme de revenu de base aux personnes ayant une invalidité de longue durée. Terre-Neuve-et-Labrador offre des formes de revenu de base aux enfants qui quittent le système de protection de l’enfance et aux personnes handicapées qui approchent de l’âge de la retraite. Un programme de transfert de fonds destiné aux personnes sans abri existe en Colombie-Britannique. L’Île-du-Prince-Édouard travaille à une proposition de projet pilote de revenu de base garanti à l’échelle de la province, soutenu par le gouvernement fédéral, en participant à un groupe de travail fédéral-provincial. Plus récemment, le Nouveau-Brunswick s’est engagé à explorer la possibilité d’un revenu de base pour les personnes handicapées.
Outre ces exemples canadiens, le Canada peut également s’inspirer de l’expérience d’autres pays. Voici quelques exemples. L’Écosse continue d’étudier la possibilité d’instaurer un revenu minimum garanti, dans le but de le mettre en œuvre. La Finlande a récemment mené un projet pilote très médiatisé. Un projet pilote à petite échelle est en cours en Angleterre, tandis que le pays de Galles a instauré un revenu de base pour les enfants qui quittent le système public de protection de l’enfance. En Allemagne, un récent projet pilote visait spécifiquement les adultes célibataires de moins de 40 ans à faible revenu.
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Les données provenant de chacun de ces programmes devraient nous donner l’assurance que le revenu minimum garanti de base est un programme non seulement réalisable, mais aussi efficace, contrairement à un trop grand nombre de programmes et de services existants.
Un deuxième mythe concerne les coûts. Avons-nous les moyens de mettre en place un revenu minimum garanti à l’échelle nationale? Comme on nous l’a dit au Comité des finances nationales, et comme l’indiquent les recherches récentes du directeur parlementaire du budget, la réponse est oui.
Bien que le projet de loi S-206 ne propose pas de modèle précis de revenu minimum garanti dont on peut évaluer le coût, toutes les données disponibles indiquent que tous les coûts seraient relativement mineurs. Le directeur parlementaire du budget a conclu, par exemple, que le revenu minimum garanti pourrait être mis en place à un coût net relativement faible de 3,6 milliards de dollars par année.
C’est un modeste prix à payer quand on sait que le Canada consacre actuellement plus de 80 milliards de dollars par année à la lutte contre la pauvreté. Selon les recherches de Jiaying Zhao, ce coût s’élèverait plutôt à 92 milliards de dollars. Nous dépensons déjà cet argent pour des approches qui, comme nous en avons discuté plus tôt, maintiennent les gens dans la pauvreté au lieu de combattre la pauvreté, l’itinérance, les besoins en matière de santé mentale ou les dépendances.
Les expériences canadiennes en matière de revenu de base garanti suffisant démontrent les économies qu’il serait possible de réaliser. Au Manitoba, le projet pilote Mincome a permis de réduire de 8,5 % le nombre d’hospitalisations dans la ville de Dauphin. Ces dernières années, un projet de transfert d’argent qui fournissait 7 500 $ aux personnes itinérantes de Vancouver, bien qu’il ne s’agisse pas d’un revenu de base garanti suffisant complet, s’est autofinancé en moins d’un an simplement grâce aux économies réalisées au sein du système de refuges.
D’autres calculs effectués par l’Île-du-Prince-Édouard et le Réseau canadien pour le revenu garanti confirment ce qui suit : le revenu de base garanti suffisant pourrait être entièrement versé à un coût net nul — sans aggraver la situation de quiconque ayant un revenu inférieur à la moyenne et en améliorant considérablement la situation de la plupart de ces personnes — si on examine attentivement les mesures fiscales et les aides au revenu qui pourraient être remplacées ou ajustées.
On pourrait aussi envisager d’autres options pour financer pleinement un revenu de base garanti suffisant, par exemple de récupérer les recettes fiscales qui échappent actuellement au Canada en raison de l’évitement fiscal et de l’évasion fiscale à l’étranger dont profitent les particuliers et les entreprises les plus riches. Nous regarderons attentivement si cet élément fait partie des dispositions du projet de loi C-2 présenté hier par le gouvernement.
En mettant en œuvre un revenu de base garanti suffisant à un coût net proche de zéro au lieu de créer de l’argent frais au moyen d’un financement par emprunt, nous pouvons également veiller à ce que le revenu de base garanti suffisant ne contribue pas à l’inflation.
En ce qui concerne le bien-être humain, social, sanitaire et économique, ce qui coûte le plus cher, ce n’est pas d’adopter des mesures de soutien efficaces. C’est plutôt de ne pas s’attaquer à la pauvreté.
Une troisième idée fausse, complètement réfutée par l’étude du comité sur la version précédente de ce projet de loi, porte sur la possibilité qu’un revenu de base garanti dissuade les gens de travailler. En réalité, le directeur parlementaire du budget a estimé que le nombre d’heures travaillées diminuerait de manière négligeable : au maximum 1,1 %. Un projet pilote qui a été mené récemment en Allemagne n’a montré aucun changement dans le nombre d’heures travaillées chez les personnes qui percevaient un revenu de base.
De plus, le revenu de base garanti suffisant permet aux gens d’entrer sur le marché du travail en leur garantissant un accès stable au logement et à la nourriture et en augmentant leur capacité à assumer les frais liés à la garde d’enfants, au transport et à d’autres coûts liés à l’emploi.
Au cours du projet pilote sur le revenu de base mené au Manitoba dans les années 1970, la plupart des personnes qui travaillaient moins s’occupaient d’enfants en bas âge ou ont profité de l’occasion pour terminer leurs études secondaires ou suivre une autre formation au lieu de devoir travailler pour subvenir aux besoins de leur famille.
Les participants au projet pilote de revenu de base en Ontario qui travaillaient avant de percevoir le revenu de base ont continué à travailler. Certains ont profité de l’occasion pour chercher un meilleur emploi. D’autres ont pu acquérir de nouvelles compétences.
Eddie est l’un des nombreux participants qui ont vu dans ce programme une occasion non pas d’abandonner leur emploi, mais de trouver du travail, comme il l’a dit :
[...] un petit contrat ou, vous savez, quelque chose de modeste [...] Je ne cherche pas à diriger une entreprise ou quelque chose du genre. [...] Je veux juste reprendre confiance en moi [...] Parce que je l’avais perdue pendant un moment.
Un examen de la recherche sur les programmes canadiens de transfert de fonds aux familles, comme l’Allocation canadienne pour enfants, montre que ces mesures améliorent la sécurité financière des familles, ce qui se traduit par une augmentation de l’emploi.
La crainte que les gens ne travailleront pas n’est pas fondée sur des données probantes. Trop souvent, il s’agit de suppositions ancrées et préjudiciables selon lesquelles
[…] la pauvreté est [en quelque sorte] le résultat d’échecs personnels plutôt que d’échecs du système, des problèmes sur le marché du travail et des politiques et programmes gouvernementaux.
Ces mythes discriminatoires occultent la somme de travail et de détermination nécessaire pour survivre à la pauvreté. Plus de la moitié des personnes qui vivent sous le seuil de la pauvreté ont un revenu d’emploi comme principale source de soutien — elles travaillent, mais ne sont pas assez payées.
Avant de participer au Projet pilote portant sur le revenu de base en Ontario, « Bethany » a déclaré :
Je travaillais comme une folle, j’étais toujours fauchée, je ne sortais jamais et je ne voyais personne. J’étais crevée, épuisée.
Le Conseil consultatif national sur la pauvreté souligne que le temps et les efforts nécessaires pour négocier une participation à des programmes de lutte contre la pauvreté inadéquats et inaccessibles ont transformé la pauvreté en un emploi à temps plein punitif, permanent et sans issue. Comme l’a fait remarquer un bénéficiaire de la prestation pour les personnes handicapées de l’Ontario à notre bureau, si naviguer les aléas de la pauvreté est un emploi à temps plein, « la paie est nulle. »
Le revenu de base garanti est un moyen éprouvé et rentable de réduire la pauvreté et d’aider les gens à renforcer leur capacité économique et à contribuer à leur collectivité. Il est temps que le Canada agisse.
Ces dernières années, le revenu de base garanti suffisant a continué de jouir d’un appui de plus en plus vaste, et ce concept figure parmi les principales politiques officielles du parti fédéral qui vient d’être réélu. Cependant, on nous dit sans cesse que le moment est mal choisi, étant donné que nous avons encore du mal à nous remettre de la pandémie et que nous devons composer avec la crise de l’inflation et les droits de douane.
Je nous invite à remettre en question ces hypothèses. Le moment est mal choisi pour continuer à gaspiller 92 milliards de dollars par an pour lutter contre la pauvreté. Un revenu de base garanti suffisant permettra au Canada de réaliser des économies et de renforcer sa capacité économique.
Alors que le Canada est exposé aux nouvelles menaces économiques brandies par son voisin, les Canadiens, en particulier ceux qui ont le moins de sécurité économique, ont besoin et méritent d’être rassurés sur le fait que l’économie fonctionnera pour eux.
Un revenu de base garanti suffisant permettrait non seulement aux personnes dont l’emploi et le revenu sont menacés par les droits de douane de ne pas être laissées pour compte, mais aussi de rebondir. À un moment où les dirigeants exhortent les Canadiens à travailler et à rester unis, un revenu de base garanti suffisant permettrait à chacun d’entre nous d’être en mesure de le faire. Surtout, cette mesure redonnerait à ceux que le Canada a trop souvent laissés pour compte — ceux qui ont du mal à trouver un emploi, qui n’ont pas les moyens de se nourrir et de se loger, qui vivent dans la rue ou qui sont en prison —, l’espoir que, cette fois-ci, ils ne sont pas seuls et que le Canada aidera tout le monde à surmonter les difficultés économiques que nous vivons tous ensemble.
Chers collègues, poursuivons cette nouvelle étape de notre travail afin de faire en sorte que le Canada bâtisse des collectivités où tout le monde est soutenu, doté des ressources nécessaires et habilité à contribuer, où personne n’est laissé pour compte et où chacun a un endroit où vivre et s’épanouir. Il va sans dire que c’est la façon de faire des Canadiens.
Meegwetch, merci.
L’honorable Marilou McPhedran : Sénatrice Pate, accepteriez-vous de répondre à une question?
La sénatrice Pate : Oui.
La sénatrice McPhedran : Merci. Je sais que vous disposez d’un temps limité pour votre intervention. Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur les recherches menées concernant les répercussions sur les enfants et la perpétuation intergénérationnelle de la pauvreté si nous ne disposons pas d’une telle mesure dans la société?
La sénatrice Pate : Merci beaucoup de cette question.
Je pense qu’on le voit. J’ai essayé d’expliquer rapidement ce point, mais je vous remercie de me donner l’occasion d’approfondir un peu plus la question.
Nous constatons les répercussions intergénérationnelles de la pauvreté qui sont profondément ancrées dans les programmes d’aide sociale actuels et qui maintiennent les gens dans la pauvreté. Je pense aux nombreuses personnes qui ont eu la possibilité de trouver un emploi, mais qui n’ont pas pu l’accepter parce que cela signifiait qu’elles perdraient leur accès aux avantages de soins de santé.
Je pense également aux personnes qui n’auraient pas droit à un logement subventionné si elles acceptaient un emploi. Il est primordial d’envisager une approche qui encouragerait les gens à reprendre le dessus. Lorsque j’ai visité des communautés du Nord, j’ai été frappée par les propos d’un Aîné qui me confiait que la communauté voulait développer une entreprise d’écotourisme. Bien des jeunes de la communauté n’ont pas d’emploi et reçoivent de l’aide sociale, mais on ne peut pas les emmener dans les terres parce que dans ce cas, les jeunes ne seraient pas dans la communauté en train de chercher un emploi qui n’existe pas et ils perdraient le revenu dont ils disposent.
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Ce modèle tiendrait compte de ce genre de situation. Il jugerait moins les gens. Il chercherait moins à blâmer les personnes qui, en raison des décisions et des politiques des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, vivent dans la pauvreté de façon intergénérationnelle.
Il y a une incidence sur les enfants, sur les familles et certainement sur bon nombre des femmes avec qui je me suis entretenue et qui m’ont dit être incapables d’échapper à la violence, en partie parce qu’elles n’ont pas la sécurité financière voulue pour emmener leurs enfants. C’est un gros problème. Récemment, dans ma communauté, je me suis entretenue avec des femmes d’un mouvement qui réclame plus de refuges. Elles ont en fait lancé un dialogue public là-dessus pour rallier toute la communauté derrière l’idée d’un revenu de base garanti suffisant pour aider les femmes à fuir les situations où elles sont victimes de mauvais traitements. Merci beaucoup pour la question.
(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)
Projet de loi sur la stratégie nationale pour les enfants et les jeunes
Deuxième lecture—Ajournement du débat
L’honorable Rosemary Moodie propose que le projet de loi S-212, Loi concernant une stratégie nationale pour les enfants et les jeunes au Canada, soit lu pour la deuxième fois.
— Honorables sénateurs, à quoi ressemble une enfance idéale? Notre vision d’un tel concept peut légèrement varier, mais je vais vous décrire la mienne.
L’enfance idéale, c’est celle où tous les enfants ont accès aux soins de santé dont ils ont besoin, quand ils en ont besoin. Aucun enfant ne languit pendant un an sur une liste en attente d’une opération importante ou encore doit se passer de ses médicaments parce que ses parents n’ont pas les moyens de les payer.
Chaque enfant se sent en sécurité tant au sein de sa collectivité qu’en ligne, où des mesures de protection sont en place pour assurer la sécurité des enfants et où il existe des mécanismes fiables pour mettre des bâtons dans les roues de ceux qui cherchent à leur nuire.
Chaque enfant est traité équitablement. Il sait que la couleur de sa peau et ses origines ne seront jamais utilisées pour le rabaisser ou l’empêcher de réaliser ses rêves.
Chaque enfant se sent respecté et écouté. Il connaît ses droits et sait quoi faire s’il estime que ses droits ont été bafoués.
Chaque enfant grandit en sachant que sa situation économique ne l’empêchera pas de réaliser ses rêves, car tous les enfants ont les mêmes chances d’apprendre et de s’épanouir. Chaque enfant mérite de grandir dans un milieu sûr, agréable et sain.
Malheureusement, ce n’est pas le cas dans le Canada d’aujourd’hui.
Lorsqu’il s’agit des enfants et des jeunes, nous concevons les politiques sans avoir à l’esprit des résultats clairs. Nous mettons en œuvre des programmes sans prévoir les ressources nécessaires pour apporter des changements concluants. Nous ne soutenons pas la collaboration intersectorielle et nous n’écoutons pas ceux qui ont le plus besoin d’aide.
Le Canada n’a pas de vision pour la santé et le bien-être des enfants et des jeunes. Par conséquent, ils doivent se contenter d’un ensemble disparate de programmes, de mesures d’aide et de prestations, ce qui laisse beaucoup trop d’entre eux passer entre les mailles du filet.
Nous laissons tout simplement tomber nos enfants. Nous pouvons et nous devons faire mieux. C’est pourquoi je suis fière de présenter de nouveau mon projet de loi S-212, la stratégie nationale pour les enfants et les jeunes.
Chers collègues, bon nombre d’entre vous connaissent déjà ce projet de loi. Je l’ai présenté lors de la législature précédente sous le numéro S-282, et il est passé à l’étape de l’étude en comité le 4 juin 2024, soit il y a exactement un an aujourd’hui.
Soyons clairs, ce projet de loi ne crée pas la stratégie. Il définit plutôt un cadre qui permettra au gouvernement d’élaborer une stratégie globale pour les enfants et les jeunes au Canada. Cette stratégie doit cerner les domaines dans lesquels nous échouons auprès des enfants et ceux dans lesquels nous réalisons des progrès marqués. Nous ne pouvons pas nous améliorer si nous ne savons pas où nous en sommes.
Le projet de loi propose que la stratégie soit assortie d’objectifs définis et d’indicateurs quantifiables pouvant être utilisés pour évaluer les progrès réalisés dans la poursuite de ces objectifs.
Enfin, la stratégie doit proposer un plan d’action détaillé pour respecter notre obligation de fournir à chaque enfant au Canada l’enfance qu’il mérite.
Honorables collègues, je tiens à dire clairement que ce projet de loi respecte la Constitution et la Charte des droits et libertés. En fait, il garantirait une meilleure protection des droits des enfants et des jeunes partout au Canada en se concentrant davantage sur leurs droits.
Le projet de loi S-212 n’affecte pas de fonds, car il ne dicte pas la stratégie à adopter. Il appartiendrait au gouvernement de déterminer le contenu de la stratégie et, par la suite, de déterminer les investissements supplémentaires nécessaires, comme c’est habituellement le cas avec un projet de loi-cadre.
Comme on exige que le gouvernement fédéral travaille avec les autres pouvoirs publics dans des dossiers qui sont de son ressort, la portée du projet de loi respecte les champs de compétence fédéraux et notre système de fédéralisme coopératif.
Trop souvent, lorsque nous parlons des jeunes dans les milieux politiques, nous nous concentrons sur des programmes individuels, qu’il s’agisse de l’Allocation canadienne pour enfants, du principe de Jordan ou des services de garde et d’éducation préscolaire. Nous examinons les problèmes qui touchent les enfants en vase clos et nous tenons pour acquis que des solutions ciblées suffiront. Cependant, avec le recul, peut-on dire que ces efforts ont vraiment amélioré les choses?
Chers collègues, si vous m’avez écoutée parler l’année dernière, je pense qu’il est clair pour vous tous que nous ne répondons pas suffisamment aux besoins des enfants au Canada. En mai de cette année, l’UNICEF a publié son 19e bilan qui mesure le bien-être des enfants et des jeunes dans les pays riches à l’aide de six indicateurs. Les dernières données ne sont pas encourageantes. Le Canada est désormais classé 19e sur 36 pays et a pris du retard par rapport à de nombreux autres pays dans la plupart des aspects de la vie des enfants. Ces données montrent que les progrès réalisés par les enfants au Canada ont largement stagné. Franchement, ce n’est pas suffisant.
Trop d’enfants sont encore laissés pour compte, malgré les nombreux programmes formidables que nous avons mis en œuvre et malgré les efforts et l’argent investis. La raison principale derrière cette situation est que nous n’agissons pas stratégiquement. Nous essayons d’assembler un casse-tête sans savoir à quoi ressemble l’image ni même si nous disposons des bons morceaux.
Pour illustrer ce que je veux dire, je souhaite explorer quelques domaines critiques où notre approche actuelle est défaillante, et démontrer le potentiel transformateur d’une stratégie nationale pour les enfants et les jeunes. Il existe de nombreux exemples dans lesquels le Canada, comme pays, s’est fixé des objectifs, mais a omis de se doter d’un plan pour les atteindre.
Par exemple, en 1989, la Chambre des communes a adopté une résolution promettant d’éliminer la pauvreté chez les enfants avant l’an 2000. Vingt-cinq ans après cette date butoir, où en sommes-nous dans la réalisation de cet objectif? Eh bien, les taux de pauvreté chez les enfants au Canada n’ont fait qu’empirer depuis la dernière fois que nous avons discuté de ce projet de loi, ils ne se sont pas améliorés.
Le rapport de 2024 de Campagne 2000 sur la pauvreté des enfants et des familles au Canada souligne que, en 2021 et 2022, plus de 195 000 enfants ont été plongés dans la pauvreté en l’espace d’un an seulement. Il est alarmant de constater que la hausse de 2,5 points de pourcentage de la pauvreté des enfants au cours de cette période représente la plus forte augmentation annuelle jamais enregistrée au Canada.
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Pour les enfants, grandir dans la pauvreté peut avoir des conséquences dévastatrices. La pauvreté signifie que les besoins fondamentaux des enfants, tels qu’un logement stable, l’accès à une éducation de qualité et la sécurité alimentaire, ne sont pas satisfaits. La pauvreté peut avoir un impact dévastateur sur le bien-être d’un enfant et sa capacité à s’investir pour apprendre, acquérir des compétences et accéder à des possibilités. La pauvreté est une violation du droit de l’enfant à un niveau de vie suffisant.
Pourtant, il est clair que les programmes fédéraux visant à éliminer la pauvreté chez les enfants ont échoué. Plus de 25 ans après l’échéance fixée dans la résolution de 1989, près d’un enfant sur cinq au Canada vit dans la pauvreté. Cet exemple prouve qu’il ne suffit pas de fixer un objectif. Il faut établir une stratégie qui dépasse le simple énoncé d’un objectif et qui prévoit un plan d’action clair, mesuré à l’aide d’une série d’indicateurs. Cette stratégie permettrait d’évaluer régulièrement l’efficacité de nos actions et de déterminer si nous devons changer de cap.
Voici un autre exemple illustrant comment nous manquons à nos obligations envers nos enfants. Depuis la dernière présentation de ce projet de loi, nous avons approfondi notre compréhension des défis qui affectent la santé des enfants au Canada. En mai 2024, le Comité permanent de la santé de la Chambre des communes a publié son rapport tant attendu sur la santé des enfants. Ce rapport dresse un tableau inquiétant d’un système de santé qui croule sous le poids de problèmes systémiques de longue date qui s’accumulent depuis des décennies. Le rapport conclut que notre système de santé pédiatrique est en crise.
En matière de santé mentale, le rapport souligne qu’environ 1,2 million d’enfants souffrent d’une maladie mentale, mais que moins de 20 % des jeunes qui ont besoin d’un traitement y ont accès. Il indique également que le Canada a « l’un des taux de suicide chez les adolescents les plus élevés du monde développé », citant l’UNICEF, qui, en ce qui concerne le suicide chez les adolescents, classe le Canada au 33e rang parmi 42 pays.
En 2022, plus de 20 000 enfants étaient en attente d’une intervention chirurgicale, selon 7 des 16 hôpitaux pédiatriques du Canada, et près de la moitié d’entre eux avaient dépassé le délai d’intervention, ce qui entraîne souvent des conséquences négatives inévitables à long terme pour la santé. Nous nous classons au 25e rang parmi 43 pays en matière de mortalité infantile.
Ces problèmes qui affectent le système de santé pédiatrique ne sont pas isolés. Ils sont les symptômes interdépendants d’un système souffrant d’un sous-financement chronique et de négligence. Il nous faut une approche stratégique qui place la santé et le bien-être des enfants au premier plan. Ce qui est plus inquiétant, c’est que nous manquons souvent des données nécessaires pour comprendre ces enjeux, connaître l’ampleur du problème et trouver des solutions fondées sur des données probantes. Le Canada est le seul pays de l’OCDE qui ne recueille pas chaque année des données sur la santé et le bien-être des enfants. C’est franchement irresponsable, car, sans ces données, comment pouvons-nous avoir une idée précise de la situation et, à plus forte raison, y remédier? Comment déterminer si nous faisons des progrès ou même si nos interventions sont efficaces?
C’est pourquoi nous avons besoin d’une stratégie nationale qui, en plus de fixer des objectifs clairs, établira un processus pour mesurer les résultats. Sinon, nous avancerons à l’aveuglette. La santé de nos enfants est trop importante pour être laissée au hasard. Une stratégie nous sortirait de l’obscurité et nous aiderait à prendre des mesures ciblées et efficaces.
Chers collègues, ce ne sont pas seulement les problèmes de longue date qui requièrent notre attention. Nous devons aussi chercher à comprendre et à traiter de façon proactive les nouveaux enjeux en pleine évolution avec lesquels les enfants doivent composer. Si l’essor de l’intelligence artificielle est à bien des égards passionnant, il présente également des risques évidents pour les enfants et les jeunes. Je pense ici aux préoccupations grandissantes concernant l’utilisation des robots conversationnels par les enfants. Ces robots comportent des risques pour les enfants. Par exemple, il est vraiment problématique que des jeunes enfants soient exposés à des contenus hypersexualisés par des robots conversationnels. Ces robots peuvent aussi faire aux enfants des recommandations contraires à la sécurité. Ils peuvent influencer leur comportement, ce qui mène parfois à des résultats tragiques. Je pense ici à un adolescent de 14 ans, de la Floride, qui s’est suicidé après avoir tissé, pendant plusieurs mois, une relation virtuelle intense avec un robot conversationnel. La poursuite intentée par sa mère est toujours devant les tribunaux; elle cherche à faire valoir que le robot conversationnel aurait joué un rôle dans le suicide de son fils. On peut aussi penser à cette fillette de 10 ans à qui l’appareil Alexa de la famille a dit de mettre un sou noir dans une prise électrique sous tension.
Il y a une augmentation de la pornographie juvénile générée par l’intelligence artificielle, connue sous le nom technique de matériel d’abus pédosexuels. Il y a une augmentation de la quantité et de la diversité de ce contenu réaliste et explicite créé par l’intelligence artificielle et impliquant des enfants, disponible en ligne et utilisé pour extorquer de l’argent et exploiter des enfants. Les experts nous ont prévenus que la croissance rapide des faux contenus pourrait surcharger les ressources d’enquête et faire en sorte qu’il soit plus difficile pour les forces de l’ordre d’identifier et de protéger les vraies victimes, ce qui mettrait nos enfants en danger.
Bien que l’intelligence artificielle puisse avoir une série d’avantages possibles pour les enfants — allant des systèmes d’apprentissage personnalisés aux outils favorisant une plus grande accessibilité pour les enfants handicapés, qui pourraient améliorer la vie des enfants au Canada —, ce dont nous avons besoin, c’est d’une approche équilibrée et axée sur l’enfant qui maximise les avantages de l’intelligence artificielle et qui atténue ses préjudices. Une stratégie pourrait nous aider à atteindre ces objectifs, à comprendre la véritable ampleur des problèmes qui ont une incidence sur la sécurité de nos enfants, à en cerner les causes et à déterminer où nos efforts actuels échouent.
Chers collègues, notre approche actuelle ne fonctionne pas. Nous n’avons pas de vision unifiée pour nos enfants ni de compréhension commune de ce à quoi nous travaillons. Nous devons établir des objectifs nationaux clairs pour le bien-être de nos enfants. Sans une stratégie claire et coordonnée, nous n’apporterons jamais les changements durables que nos enfants méritent.
Une stratégie nationale nous permettrait de passer d’un système disparate de solutions à court terme à un plan qui répond réellement aux besoins des jeunes. Cette stratégie nationale pourrait accomplir principalement trois choses : établir des objectifs clairs que nous voulons atteindre pour nos enfants, créer un plan pour atteindre ces objectifs et inclure un mécanisme d’évaluation et nous permettre de travailler systématiquement à un avenir où chaque enfant au Canada aura tout ce dont il a besoin pour survivre.
Définir clairement nos priorités permettrait également de garantir la coordination et la reddition de comptes des gouvernements, des prestataires de services et des organismes de la société civile.
Nous pouvons maximiser l’efficacité de nos efforts actuels en tirant parti des synergies entre eux, en profitant des possibilités de coordination, en suivant nos progrès, en recueillant des données liées à des objectifs précis, en comprenant le rendement de notre investissement, en prenant des décisions éclairées et en ajustant notre approche au besoin. Imaginons que cela se produise.
Tout cela pourrait s’aligner sur une priorité importante du gouvernement, qui, comme la lettre de mandat du premier ministre l’indique, consiste à réduire les dépenses liées aux opérations gouvernementales. En définissant clairement nos objectifs et en évaluant rigoureusement l’efficacité de nos interventions pour les atteindre, nous veillerons à ce que chaque dollar soit bien dépensé et à ce qu’aucun enfant ne soit laissé pour compte.
Nous ne devons pas avoir peur de rendre des comptes. Nous devons savoir quand nos efforts échouent. La collecte régulière de données sur nos efforts garantira que l’argent est dépensé sur ce qui fonctionne, et pas seulement sur ce qui a l’apparence d’être une bonne chose. Une stratégie nationale fondée sur des données probantes nous aiderait à cibler les interventions les plus efficaces, à leur affecter les ressources nécessaires et à combler les lacunes qui laissent trop d’enfants pour compte.
Bien franchement, chers collègues, ce n’est pas une idée nouvelle. En fait, le Canada a du retard à ce chapitre.
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Plus de la moitié des 38 pays de l’OCDE ont des documents de politique générale qui décrivent l’approche adoptée par leur gouvernement pour favoriser les résultats positifs pour les enfants selon plusieurs marqueurs du bien-être. L’Irlande en est un exemple. En 2014, l’Irlande a lancé Better Outcomes, Brighter Futures, un cadre national de six ans conçu pour améliorer la vie des jeunes Irlandais et pour établir un ensemble commun d’objectifs pour tous les ministères, les services publics et le secteur communautaire et bénévole afin qu’ils travaillent ensemble.
Ce pays a intégré la voix des enfants dans l’élaboration de ces politiques, ce qui a permis de garantir que leurs points de vue soient entendus et pris en considération. Il a élaboré un cadre axé sur des domaines clés, notamment la santé, l’apprentissage et l’engagement continu. Il a adopté un cadre structuré et axé sur les résultats, assorti d’indicateurs clairs pour suivre les progrès accomplis et de rapports périodiques qui analysent les questions émergentes et formulent des recommandations pour des changements futurs.
Cette approche rigoureuse a permis au gouvernement irlandais de suivre les progrès réalisés, de cerner les lacunes et de modifier ses politiques en conséquence. Elle a abouti à des améliorations concrètes dans des domaines clés et à l’identification des domaines nécessitant des améliorations.
L’Irlande a pu dresser un portrait complet de l’effet de ses efforts. Son succès ne réside pas seulement dans les progrès réalisés, mais aussi dans la mise en place d’un système responsable fondé sur des données qui a permis de déterminer clairement ce qui fonctionnait et ce qui ne fonctionnait pas.
C’est le genre d’approche dont le Canada a désespérément besoin. Nous devons reconnaître le travail accompli par nos prédécesseurs. Une approche stratégique a été annoncée et proposée en 2004. Intitulée Un Canada digne des enfants, cette approche stratégique a été lancée sous la direction de l’honorable Landon Pearson, qui a cerné des champs d’action prioritaires et cherché à promouvoir et à protéger les droits des enfants.
S’il s’agissait d’un important point de départ et d’un incroyable pas en avant à l’époque, ce document ne contenait que des principes et des champs d’action généraux. À vrai dire, il ne mentionnait ni interventions ni résultats spécifiques et concrets, et il ne prévoyait aucun plan de collecte de données. Surtout, il n’était pas pérenne et ne prévoyait ni mécanismes de reddition de comptes ni mise à jour régulière.
Comprenez-moi bien : nous sommes redevables à ceux qui ont travaillé dur pour rendre cela possible. C’est maintenant à notre tour de poursuivre dans la voie qu’ils ont tracée.
Depuis, on a mis sur pied plusieurs programmes importants qui montrent que l’on peut agir de façon ciblée et qui montrent ce que l’on peut accomplir en changeant les choses. L’Allocation canadienne pour enfants est un bon début. C’est un exemple marquant. Il s’agit d’une prestation qui offre un soutien financier direct aux familles avec enfants. Depuis son instauration, elle a sorti des centaines de milliers d’enfants de la pauvreté.
Cependant, la récente augmentation des taux de pauvreté infantile depuis la COVID nous rappelle de manière cruciale que les progrès sont souvent fragiles. Nous ne pouvons pas nous permettre de nous reposer sur nos lauriers. Même si nous savons que l’Allocation canadienne pour enfants est un outil efficace, nous ne comprenons pas pleinement son potentiel. Jusqu’où devons-nous aller? Jusqu’où pouvons-nous aller? Utilisons-nous cet outil de la manière la plus efficace possible? Passons-nous à côté d’occasions que nous pourrions saisir?
Les services d’éducation préscolaire et de garde d’enfants constituent un autre domaine où l’on a fait des progrès récemment. C’est important parce que l’accès à des services d’éducation préscolaire de qualité, abordables et inclusifs est essentiel au développement des enfants.
Nous sommes déjà en mesure de suivre les progrès réalisés. Plus de la moitié des provinces et des territoires ont mis en place des services de garde réglementés coûtant en moyenne 10 $ par jour. Là où cette cible n’a pas encore été atteinte, les frais ont été réduits de 50 %. Cependant, sans stratégie à long terme, des défis demeurent. Des fournisseurs de services de garde de partout au Canada m’ont dit que le financement n’est pas encore suffisant pour maintenir des programmes de qualité et conserver le personnel.
Pour réussir, nous avons besoin d’une approche stratégique axée sur le bien-être des enfants qui considère l’éducation préscolaire comme un des nombreux outils qui permettront aux enfants et aux jeunes d’atteindre leur plein potentiel.
Le principe de Jordan et l’initiative Les enfants inuits d’abord soulignent également l’importance des mesures ciblées. Ces programmes visent à garantir que les enfants inuits et des Premières Nations reçoivent les services de santé, les services d’éducation et les services sociaux dont ils ont besoin sans que des conflits de compétence entraînent des retards préjudiciables.
Bien que ces programmes aient changé la vie de nombreuses personnes, leur mise en œuvre est incohérente, il y a des retards dans le traitement des demandes, des dossiers sont au point mort et l’admissibilité pose problème. On applique souvent les critères de manière trop restrictive, alors certains enfants sont laissés pour compte et ne bénéficient pas du soutien dont ils ont besoin. Ces programmes sont essentiels, mais ils doivent s’inscrire dans un cadre plus solide pour garantir que chaque enfant admissible reçoive un soutien complet en temps opportun.
J’insiste sur ce point. Si nous fixons des objectifs mesurables, que nous investissons dans des programmes efficaces et que nous nous engageons à évaluer nos progrès plutôt que de seulement les quantifier, nous obtiendrons des résultats. Jusqu’à présent, nos succès sont demeurés limités et nos interventions sont réactionnaires. Une stratégie nationale permettrait de coordonner les efforts, de combler les lacunes et de garantir que chaque enfant peut s’épanouir. C’est désormais au tour du Canada de prendre le relais pour les enfants.
En 2023, j’ai publié un rapport collaboratif portant sur les jeunes, intitulé D’une vision à la réalité : Sur une stratégie nationale pour les enfants et les jeunes au Canada. Ce rapport était le fruit d’une série de tables rondes avec des jeunes et des intervenants d’un bout à l’autre du Canada sur l’importance d’une stratégie nationale et sur la forme qu’elle pourrait prendre.
Les participants incluaient des enfants, des représentants d’organisations de défense des droits des enfants et des représentants d’organisations autochtones. Depuis le début, ce projet de loi a été modelé par ce rapport et les parties prenantes qu’il représente, et il s’aligne complètement avec leurs recommandations.
Les participants nous ont envoyé un message clair : le Canada a besoin d’une stratégie nationale. Ils ont déclaré que l’infrastructure gouvernementale actuelle pour les enfants et les jeunes ne répondait pas aux attentes des jeunes Canadiens et que les budgets fédéraux ne sont pas suffisamment axés sur les jeunes.
Ils ont clairement indiqué que l’absence de stratégie globale crée un système de soutien disparate qui fait en sorte que de nombreux enfants sont abandonnés à leur sort. Ils ont parlé de ce que devrait comprendre une stratégie. Ils ont recommandé au gouvernement de procéder à une consultation exhaustive à l’échelle du pays afin de répondre adéquatement à cette question.
Ils ont clairement indiqué que la stratégie devait adopter une approche fondée sur les droits, en s’inspirant de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant. L’alinéa 4(2)a) du projet de loi, à l’article 4, qui décrit les lignes directrices, est le reflet de cette demande. L’alinéa précise que les objectifs de la stratégie doivent être en entière conformité avec la Convention relative aux droits de l’enfant des Nations Unies et avec les protocoles facultatifs ratifiés par le Canada, ainsi qu’avec les dispositions de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones concernant les enfants et les jeunes. Je sais que nous convenons tous de l’importance de ces mesures, chers collègues.
La nécessité de définir des objectifs et des résultats précis, mesurables et ambitieux relativement aux jeunes faisait également consensus. Les participants ont également précisé que la stratégie devrait permettre de recueillir, d’analyser et de communiquer des données, notamment des données désagrégées. Ainsi, le reste du paragraphe 4(2) décrit les autres exigences relatives au contenu de la stratégie, notamment la définition d’objectifs et d’indicateurs quantifiables pour mesurer les progrès accomplis, l’élaboration d’un plan détaillé pour atteindre les objectifs non atteints et l’énumération des ressources nécessaires à sa mise en œuvre.
Le paragraphe 4(3) précise qui doit être consulté. Quand on a demandé qui devrait participer à l’élaboration de la stratégie, un participant a déclaré ce qui suit :
Les jeunes ont du mal à amener les personnes en position d’autorité à les écouter, à respecter leur point de vue et à tenir compte des expériences qu’ils ont vécues.
C’est pourquoi les enfants et les jeunes sont les premiers sur la liste des personnes à consulter dans le cadre du processus d’élaboration d’une stratégie.
(1750)
Les intervenants ont dit clairement que l’action unilatérale du gouvernement fédéral ne serait pas suffisante pour combler les lacunes en ce qui concerne les enfants au Canada. Le projet de loi demande au ministre de consulter les gouvernements provinciaux et les administrations municipales, les représentants des corps dirigeants autochtones et d’autres intervenants concernés. Ce faisant, le gouvernement doit délibérément chercher des voix qui reflètent la diversité des enfants et des jeunes au Canada ainsi que leurs expériences, malgré les difficultés à obtenir l’avis de certaines de ces communautés. Cette liste est loin d’être exhaustive, et le projet de loi invite le ministre désigné à consulter toute autre personne lorsqu’il le juge opportun.
La reddition de comptes est également d’une importance cruciale, et elle était une préoccupation majeure pour les intervenants. Par conséquent, les articles 5 à 7 prévoient plusieurs mesures de surveillance et de reddition de comptes, y compris des mesures de surveillance publique, des mesures de surveillance parlementaire à l’égard de la mise en œuvre de la stratégie et un mécanisme pour examiner les plaintes des enfants et des jeunes au sujet de la mise en œuvre. Le projet de loi exige que le ministre dépose un rapport d’étape tous les six mois jusqu’à la publication de la stratégie. Cela donnera au public un aperçu des progrès concernant l’élaboration de la stratégie tout en donnant aux jeunes, aux intervenants et aux autres personnes qui estiment que leur point de vue n’a pas été pris en considération le temps de participer aux consultations avant qu’elles ne prennent fin.
La stratégie doit être publiée dans les deux ans suivant la sanction royale. Conformément à l’appel lancé par les parties intéressées réclamant des révisions régulières de la stratégie, le projet de loi prévoit un examen tous les cinq ans, afin que la stratégie reste pertinente face à l’évolution des défis auxquels sont confrontés les enfants et les jeunes.
Chers collègues, dès leur naissance, les enfants considèrent les adultes qui les entourent comme des mentors et des guides, une main secourable et une étoile qui les guide dans leur découverte du monde qui les entoure et de la capacité qu’ils ont à le façonner, pour créer un havre de paix où ils peuvent grandir, apprendre et s’épanouir.
En tant que parlementaires, nous jouons un rôle similaire, mais à plus grande échelle. Il nous incombe d’éliminer les obstacles, de veiller à ce que ceux qui ont pris du retard reçoivent le soutien nécessaire pour le rattraper, et de veiller à ce que chaque enfant ait le sentiment que ses rêves sont réalisables. Ce n’est pas une mince affaire. Il faudra déployer des efforts considérables pour bien faire ce travail et veiller à ce que les progrès accomplis ne soient pas perdus. Je sais que nous sommes prêts à relever le défi. Or, nous ne pouvons pas continuer comme avant.
Pendant trop longtemps, nous nous sommes contentés d’un ensemble disparate de demi-mesures. Nous avons laissé notre système de soins pédiatriques s’effondrer sous le poids de décennies de sous-financement. Nous avons laissé d’innombrables enfants grandir dans la pauvreté. Nous n’avons pas su nous adapter à notre époque et assurer la sécurité en ligne des plus vulnérables. À bien des égards, nous avons laissé tomber les jeunes Canadiens, mais nous pourrions changer la donne.
L’élaboration d’une stratégie nationale pour les enfants et les jeunes serait porteuse de changements. Avec une vision d’un avenir où chaque enfant peut s’épanouir et un plan pour y parvenir, nous pouvons bâtir un monde digne de nos enfants. Il est temps de passer à l’action. Si vous êtes d’accord, chers collègues, je vous invite à appuyer le projet de loi S-212. J’ai hâte d’entendre d’autres sénateurs discuter de cette mesure législative et de voir le Sénat la renvoyer au comité pour une étude plus approfondie. Merci. Meegwetch.
(Sur la motion de la sénatrice Ataullahjan, le débat est ajourné.)
La Loi sur l’Agence du revenu du Canada
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat
L’honorable Percy E. Downe propose que le projet de loi S-217, Loi modifiant la Loi sur l’Agence du revenu du Canada (rapports concernant l’impôt sur le revenu impayé), soit lu pour la deuxième fois.
— Honorables sénateurs, vous remarquerez que ce n’est pas la première fois que je dépose ce projet de loi, la Loi sur l’équité pour les contribuables canadiens, qui oblige le gouvernement du Canada à divulguer toutes les condamnations pour évasion fiscale à l’étranger et à mesurer le manque à gagner fiscal, c’est-à-dire la différence entre les impôts qui auraient dû être perçus et ceux qui ont été effectivement perçus. Il obligerait également l’Agence du revenu du Canada, ou ARC, à fournir au directeur parlementaire du budget, ou DPB, les données qu’elle a recueillies sur le manque à gagner fiscal, ainsi que toutes autres données supplémentaires que le DPB juge importantes à l’établissement de sa propre analyse indépendante du manque à gagner fiscal.
Au cours de la législature précédente, ce projet de loi avait été adopté par le Sénat et en était à l’étape de la deuxième lecture à la Chambre des communes lorsque les élections ont été déclenchées.
Comme toujours, je tiens à préciser d’emblée qu’il n’est pas illégal d’avoir un compte bancaire à l’étranger. En revanche, il est illégal de ne pas déclarer les revenus provenant de ces comptes à l’Agence du revenu du Canada.
Autrefois, l’Agence du revenu du Canada n’attirait pas beaucoup l’attention, ni du public ni du gouvernement. En tant que seule agence gouvernementale sur laquelle on pouvait compter pour générer des profits, on a toujours été tenté de la laisser faire son travail : s’il n’y a rien de cassé, il n’y a rien à réparer.
Cependant, cette confiance s’est érodée à mesure que nous avons vu défiler les affaires d’évasion fiscale à l’étranger qui restaient impunies et, malheureusement, ne donnaient lieu qu’à un recouvrement minime, voire nul, aggravées par la réponse répétée de l’Agence du revenu du Canada après chaque divulgation publique, selon laquelle elle travaillait d’arrache-pied pour attraper les fraudeurs qui profitent des paradis fiscaux à l’étranger, qu’elle prenait la question très au sérieux, qu’elle avait identifié, mais pas recouvré, un certain montant, que le travail se poursuivait, qu’« il restait beaucoup à faire » et ainsi de suite.
Malheureusement, ces commentaires de l’Agence du revenu du Canada donnent une fausse impression quand on voit à quel point ses efforts et ses résultats sont extrêmement décevants. L’un des nombreux exemples à cet égard, c’est celui qui a suivi la publication des Panama Papers en 2016. Au cours des neuf années qui ont suivi la publication de ces documents, qui ont permis d’identifier des centaines de Canadiens détenant des comptes, d’autres pays dont des citoyens figuraient dans ces documents comme ayant des comptes cachés au Panama ont recouvré à ce jour plus de 1,8 milliard de dollars en impôts qui étaient dus à leur pays.
Un article récent, publié il y a quelques mois à peine par le Consortium international des journalistes d’investigation, l’organisme qui a révélé l’affaire des Panama Papers, indique que l’Australie a déjà récupéré 44 millions de dollars, l’Allemagne, 87 millions de dollars et l’Espagne, 175 millions de dollars et que même l’Islande, un pays de 340 000 habitants, a récupéré 25 millions de dollars. Pourtant, malgré les centaines de comptes et les dizaines d’audits, le Canada n’a pas annoncé le recouvrement d’un seul cent — zéro.
Selon le consortium des journalistes d’investigation, l’ARC s’attend à percevoir près de 92 millions de dollars, mais, comme nous le savons, il y a une différence considérable, surtout en ce qui concerne l’ARC entre ce qu’elle dit s’attendre à percevoir et ce qu’elle perçoit. Sur les quelque 900 Canadiens identifiés, y compris des particuliers, des sociétés et des fiducies cités dans les Panama Papers, pas une seule personne n’a été accusée d’évasion fiscale à l’étranger dans cette affaire, et encore moins déclarée coupable. On peut donc se demander, si l’ARC a identifié ces personnes — et elle pense qu’on lui doit 96 millions de dollars —, pourquoi aucune accusation n’a été déposée.
En octobre 2012, il y a presque 13 ans, j’ai écrit au directeur parlementaire du budget de l’époque pour lui demander d’enquêter sur l’incidence de l’évasion fiscale à l’étranger sur l’économie. À sa suggestion, cette enquête s’est transformée en un effort pour déterminer le manque à gagner fiscal, c’est-à-dire la différence entre les sommes qui devraient être perçues par l’ARC et celles qu’elle perçoit réellement. Le directeur parlementaire du budget a déterminé qu’il était effectivement possible de réaliser une estimation du manque à gagner, d’autant plus que de nombreux autres pays le font, et il a pris contact avec l’ARC pour s’assurer de sa coopération dans cette démarche.
(1800)
Chers collègues, l’ARC a refusé de coopérer. On sait pourquoi lorsqu’on réalise que le manque à gagner fiscal ne mesure pas seulement ce qui devrait être perçu, mais aussi l’efficacité de l’agence nationale du revenu relativement à son devoir et à sa responsabilité de percevoir les sommes dues au gouvernement du Canada.
Je suis certain que la mise en évidence, par une analyse du manque à gagner fiscal, du travail totalement inadéquat de l’Agence du revenu du Canada dans la lutte contre l’évasion fiscale à l’étranger a été un facteur majeur dans son refus de coopérer avec le directeur parlementaire du budget. Même sans la coopération de l’ARC, le directeur parlementaire du budget a été en mesure de tirer ses propres conclusions à propos du manque à gagner fiscal. Devant un comité sénatorial, il a déclaré ce qui suit en mars 2020, en se fondant sur sa propre analyse :
[P]our avoir travaillé à l’ARC et pour avoir été directeur parlementaire du budget depuis maintenant un an et demi, je suis convaincu qu’il y a des centaines de millions ou même des milliards de dollars en impôts non déclarés qui échappent aux autorités fiscales du Canada, probablement chaque année, en raison des transactions internationales.
De son côté, le très respecté Conference Board du Canada a publié en 2017 un rapport intitulé Canadian Tax Avoidance and Examining the Potential Tax Gap — un rapport sur l’évasion et le manque à gagner fiscal. L’organisation a conclu que des recettes fiscales pouvant s’élever jusqu’à 47 milliards de dollars ne sont pas perçues par le gouvernement du Canada.
Sur son site Web, l’Agence du revenu du Canada tient à jour une liste des avis de mesures d’exécution. Il s’agit de communiqués concernant des enquêtes, des accusations et des condamnations pour des infractions liées à l’évasion fiscale. Selon ses propres termes, elle le fait pour :
[...] maintenir la confiance en l’intégrité du système d’autocotisation et à accroître l’observation de la loi grâce à l’effet dissuasif de cette publicité.
Difficile de ne pas rire en lisant cet énoncé.
Si vous regardez la liste, chers collègues, comme je l’ai fait récemment, vous trouverez un large éventail de personnes d’un océan à l’autre qui ont été inculpées et condamnées, dans la majorité des cas pour évasion fiscale à l’intérieur de nos frontières. Si vous cachez votre argent à l’étranger, vos chances d’être pris sont très faibles, mais si vous trichez sur vos impôts dans votre pays, vous risquez fort de vous faire prendre, d’être condamné à une amende et, dans certains cas, d’aboutir en prison.
À cette fin, sur l’ensemble des avis — et il y en avait 65 en 2020 lorsque j’ai vérifié récemment — seuls trois avis portaient sur des condamnations relatives à l’évasion fiscale à l’étranger, et je suis généreux avec ce chiffre.
Cela ne signifie pas pour autant que les dernières années n’ont pas été marquées par un certain nombre de réussites. Le programme électoral de 2015 du Parti libéral contenait un engagement à :
Demander à l’ARC de procéder immédiatement à une analyse de la fraude fiscale, ou de ce que l’OCDE appelle « l’écart fiscal ».
Toujours aussi réticente que par le passé, l’agence a néanmoins été contrainte par le gouvernement de commencer — avec une réticence inchangée — à publier une série de rapports sur l’écart fiscal à partir de 2016. Le plus récent a été publié en 2022.
Cependant, le Canada doit étudier l’efficacité de l’Agence du revenu du Canada afin de voir ce qui fonctionne bien et ce qui a besoin d’être amélioré. La décision d’entreprendre cette étude ne doit pas revenir uniquement à l’agence, vu son refus de coopérer avec le directeur parlementaire du budget. L’agence devrait y être contrainte par la loi, ce que mon projet de loi permettrait d’accomplir.
Je tiens à souligner qu’exiger que l’Agence du revenu du Canada fasse rapport sur l’évasion fiscale à l’étranger et sur l’écart fiscal en général n’est pas le résultat d’une simple curiosité. D’autres pays, comme les États-Unis, le Royaume-Uni, la Turquie, la Suède, et même l’État de la Californie, mesurent leur écart fiscal. Ils ont constaté qu’il s’agit d’un outil utile pour élaborer des politiques. Ils conviennent tous que l’argent caché à l’étranger doit être rapatrié, et ils ont besoin de renseignements à jour sur l’écart fiscal afin de repérer et rapatrier l’argent.
Comme je l’ai dit, chers collègues, cacher son argent à l’étranger ne comporte essentiellement aucun risque au Canada parce que la probabilité d’être poursuivi ou condamné est pratiquement nulle. Les « centaines de millions ou même [...] milliards de dollars » non déclarés selon le directeur parlementaire du budget ne résoudront pas, comme par magie, nos problèmes financiers. Toutefois, si nous récupérions ne serait-ce qu’une partie de ce manque à gagner, cela permettrait de réduire le déficit, de baisser les taxes et les impôts et de financer des programmes.
Il est indéniable que l’évasion fiscale à l’étranger coûte beaucoup d’argent à notre pays. Qui plus est, c’est, bien sûr, extrêmement injuste. Ceux d’entre nous qui respectent les règles et paient leurs impôts sont trompés par d’autres Canadiens qui contournent le système et cachent leur argent à l’étranger. Le non-recouvrement des impôts dus sape la confiance dans l’égalité de traitement de tous. Si nous sommes tous dans le même bateau, alors nous payons tous nos impôts. Sinon, certains Canadiens qui ont les moyens de cacher leur argent bénéficient d’un traitement spécial, tandis que le reste d’entre nous doit payer plus pour combler ce manque à gagner.
Avant de conclure, j’aimerais remercier les sénateurs qui ont pris la parole en faveur du projet de loi par le passé. Le projet de loi actuellement devant le Sénat est le même que celui qu’ils ont soutenu. Le soutien du sénateur Paul McIntyre et de la sénatrice Pat Bovey — qui sont tous les deux partis à la retraite depuis —, ainsi que celui de la sénatrice Galvez, de la sénatrice McPhedran et de la sénatrice Marshall est très apprécié. Je les remercie de leur soutien. En fait, je remercie tous les sénateurs qui ont adopté le projet de loi au Sénat la dernière fois. Nous espérons que le bon sens prévaudra cette fois-ci à la Chambre des communes, afin qu’elle l’adopte également.
Je conclurai sur l’observation suivante : je me demande toujours si les gens qui cachent leur argent à l’étranger se font soigner dans un endroit comme le Panama si eux-mêmes ou un membre de leur famille tombent malades, ou s’ils rentrent au Canada pour profiter de notre système de santé public, même s’ils refusent de le financer?
Chers collègues, j’espère pouvoir compter une nouvelle fois sur votre appui pour le projet de loi.
L’honorable Colin Deacon : Sénateur Downe, acceptez-vous de répondre à une question?
Le sénateur Downe : Oui.
Le sénateur C. Deacon : Merci. Quelle raison l’Agence du revenu du Canada invoque-t-elle pour ne pas accéder à vos demandes? Elle doit bien avoir une explication logique à vous donner là-dessus. J’aimerais beaucoup la connaître.
De plus, croyez-vous que la décision du premier ministre de nommer un seul ministre responsable du revenu national et des finances vous permettra de surmonter les obstacles qui entravent vos efforts depuis tant d’années?
Le sénateur Downe : Merci, sénateur Deacon. Pour répondre à la première question, le directeur parlementaire du budget a demandé à l’Agence du revenu du Canada de lui fournir des données qui permettraient à son bureau de s’attaquer au problème du manque à gagner fiscal, mais il ne s’agissait pas de renseignements personnels sur des Canadiens en particulier. Il s’agissait de données brutes. L’Agence du revenu du Canada a refusé de les fournir, même si, comme je l’ai dit, d’autres pays mesurent actuellement leur manque à gagner fiscal. Ils disposent de ces données et savent comment procéder. C’est pourquoi cette mesure législative est nécessaire pour surmonter le refus que maintient l’Agence du revenu du Canada.
Pour répondre à la deuxième question, je pense que c’est une décision formidable. Je me souviens, il y a des années de cela, quand j’avais l’honneur d’être chef de cabinet de l’ancien premier ministre Jean Chrétien, j’assistais à toutes les réunions du Cabinet. À aucune de ces réunions, quelqu’un n’a parlé de l’Agence du revenu du Canada. Pourquoi l’aurait-on fait? On supposait que l’Agence faisait son travail et que l’argent rentrait. Le ministre responsable de l’Agence du revenu du Canada participait aux discussions sur l’agriculture et la défense, mais il n’était jamais question de l’Agence.
C’est une bonne décision de la part du premier ministre. Le ministre des Finances pourra ainsi surveiller l’Agence du revenu du Canada, qui en a désespérément besoin. Je pense qu’il s’agit d’une mesure très positive.
Le sénateur C. Deacon : L’Agence a-t-elle simplement décliné les demandes précédentes? Elle n’a fourni aucune justification, aucun argument, aucune raison? A-t-elle simplement refusé?
Le sénateur Downe : Ce sont en fait de bonnes questions pour le directeur parlementaire du budget. J’ai discuté avec lui et son bureau, ainsi qu’avec son prédécesseur et le prédécesseur de ce dernier. La situation dure depuis longtemps. Cet enjeu dure depuis plus longtemps que celui des droits de péage sur les ponts. Cela fait maintenant 13 ans, et la question des droits de péage sur les ponts n’avait duré que 10 ans.
(1810)
L’Agence du revenu du Canada soutient qu’elle ne doit pas révéler ces données parce que, pour une raison quelconque, cela risquerait de porter atteinte à la vie privée des Canadiens. Toutefois, elle est très fière de ne pas mesurer le manque à gagner fiscal.
La plateforme électorale de 2015 des libéraux a forcé l’Agence à commencer à le mesurer. Elle mesure le manque à gagner fiscal de l’économie clandestine et celui de ci et de ça, sauf que nous n’avons pas besoin de ces statistiques. Nous avons besoin d’une analyse du manque à gagner fiscal global.
Comme je l’ai dit, si l’État de la Californie peut le faire, de même que tout plein d’autres pays, comme la Suède, alors pourquoi pas nous?
L’objectif, comme je l’ai dit dans mon discours, c’est de savoir combien d’argent est dû à l’Agence du revenu du Canada. Le Conference Board du Canada estime que ce pourrait être jusqu’à 48 milliards de dollars. Cela dit, c’est également un moyen de comparer l’efficacité de l’Agence à celle de ses pendants étrangers lorsqu’il s’agit de percevoir l’argent censé être perçu.
Admettons que le Conference Board du Canada a raison et que jusqu’à 48 milliards de dollars d’impôts sont impayés. Je présume qu’il sera impossible de récupérer toute cette somme. Toutefois, supposons qu’on en perçoive la moitié. La sénatrice Pate propose d’instaurer un programme et, comme pour toute autre proposition du genre, la première question qu’on se pose, c’est : « Quelle idée fantastique, mais comment va-t-on financer ce programme? » Eh bien, il y a beaucoup d’impôts qui ne sont pas perçus en ce moment et qui pourraient servir à financer le tout. C’est un véritable problème.
De plus, comme je l’ai indiqué, c’est extrêmement injuste. Lorsque je suis tombé là-dessus il y a des années, au Liechtenstein, un employé d’une banque avait volé la liste des clients et l’avait vendue au gouvernement allemand. On a appris qu’il y avait une centaine de Canadiens qui détenaient un compte dans cette banque au Liechtenstein. Je ne savais même pas où se trouvait le Liechtenstein, et j’ai dû le chercher sur une carte.
Il est possible que ces personnes avaient des parents au Liechtenstein, et que tout cela était justifié mais, en fin de compte, l’Agence du revenu du Canada n’a intenté aucune poursuite contre les détenteurs de ces comptes. À l’époque, l’agence avait justifié sa décision en affirmant que cette affaire lui apprendrait comment procéder à l’avenir.
Or, depuis, il y a eu les Paradise Papers et les Panama Papers, mais aucune accusation n’a été portée. Toutefois, si un serveur à Moncton ou un charpentier en Saskatchewan commet une fraude fiscale et se fait prendre, il est mis en accusation et pourrait même se retrouver en prison.
Au Canada, l’Agence du revenu du Canada ne peut nommer personne qui ait été emprisonné pour évasion fiscale à l’étranger, même si elle a indiqué dans les Panama Papers qu’elle croyait qu’il y avait 96 millions de dollars en impôts impayés. Cela montre clairement que des personnes ont enfreint la loi. Alors, pourquoi n’y a-t-il aucune poursuite?
Pour revenir à ce que je disais et conclure, lorsque les renseignements provenant du Liechtenstein ont été communiqués à tous les pays, le gouvernement australien a pris des mesures importantes. Il a formé un groupe de travail composé de représentants de divers ministères pour s’attaquer directement à l’évasion fiscale à l’étranger. Il a commencé à porter des accusations. Il a indiqué publiquement qui était accusé. Il a constaté que non seulement il recueillait beaucoup d’argent — contrairement au Canada —, mais que la publication de l’identité des personnes mises en cause et leur accusation dissuadaient le reste de la population de cacher son argent à l’étranger. Il y a eu dénonciation et humiliation. Rien de tout cela ne se produit au Canada.
L’honorable Kim Pate : Accepteriez-vous de répondre à une question, sénateur Downe?
Le sénateur Downe : Oui.
La sénatrice Pate : Je vous remercie infiniment de continuer de proposer ces mesures. Comme vous le savez peut-être, lorsque je siégeais au Comité des finances nationales, j’ai posé des questions sur le manque à gagner fiscal et sur les raisons pour lesquelles aucune enquête n’avait été menée au sujet des Panama Papers, des Pandora Papers et ainsi de suite.
On m’a dit qu’il s’agit d’enquêtes complexes et j’aimerais savoir ce que vous pensez de cette réponse. J’ai reçu une réponse semblable lorsque j’ai demandé pourquoi les entreprises canadiennes ne faisaient pas l’objet d’une enquête en vertu de certaines dispositions législatives sur la concurrence.
Avez-vous des précisions à ajouter à ce sujet, étant donné que c’est votre domaine d’expertise?
Le sénateur Downe : L’ARC a du mal à retenir ses employés, car une fois qu’ils ont acquis une certaine expérience et des compétences particulières, ils changent souvent de camp. Les entreprises qui se livrent à la dissimulation d’argent à l’étranger cherchent à les recruter. Nous devons ajuster les échelles salariales de l’ARC afin de reconnaître les compétences particulières de ses employés. C’est la première chose à faire.
La deuxième chose est la suivante : j’entends l’argument voulant que ce soit compliqué, et comme je l’ai indiqué en réponse à la question du sénateur Colin Deacon, au Liechtenstein, on nous a dit qu’ils apprenaient comment ces choses fonctionnent. À la banque du Liechtenstein dont j’ai parlé, on ne pouvait pas ouvrir un compte sans avoir 500 000 $; il s’agit donc d’une clientèle particulière, si l’on peut dire.
C’est compliqué pour nous, mais c’est aussi compliqué pour tous ces autres pays, et pourtant, ils ont soit récupéré l’argent, soit inculpé les personnes concernées. Par exemple, je ne recommande pas cette mesure, mais le gouvernement irlandais publie l’adresse du domicile des personnes reconnues coupables d’évasion fiscale à l’étranger. Je pense que ce serait très impopulaire, mais la dénonciation publique s’est avérée être un outil précieux contre les personnes inculpées.
S’ils ne l’ont pas encore compris après 13 ans, vont-ils jamais le comprendre?
L’honorable Marilou McPhedran : Sénateur Down, en vous remerciant de n’avoir jamais abandonné ce dossier et d’avoir accumulé tant d’expertise, je souhaite vous poser une question sur ce qu’il adviendra réellement des sommes en question. Dans l’éventualité, apparemment improbable, où l’Agence du revenu du Canada parviendrait à restituer l’argent aux citoyens canadiens, où irait-il? Existe-t-il un moyen de savoir ce qu’il adviendrait de cet argent?
Le sénateur Downe : Je crois comprendre qu’il serait reversé — comme toutes les recettes de l’Agence du revenu du Canada — dans le Trésor public du Canada.
L’Agence du revenu du Canada explique son incapacité à récupérer ces 96 millions de dollars en partie par le fait qu’elle ne sait pas combien elle perçoit au titre de l’évasion fiscale à l’étranger. C’est ce qu’elle m’a écrit récemment. C’est risible.
L’agence ne fait pas de suivi parce qu’elle n’en reçoit rien. En bref, la réponse à votre question est que cet argent serait versé au Trésor.
La sénatrice McPhedran : Nous avons connu plusieurs ministres responsables de l’Agence du revenu et de ses fonctionnaires. Pouvez-vous nous dire si vous avez eu l’occasion de communiquer des informations à certains des ministres précédents? Peut-être que vous n’avez pas informé le ministre actuel dans un délai aussi court. Est-ce que cette question est devenue une priorité pour l’un des ministres avec lesquels vous avez été en contact?
Le sénateur Downe : Merci pour la question. Non. J’ai rencontré des fonctionnaires de l’Agence du revenu du Canada à qui je ne cessais de dire qu’au lieu de protéger le statu quo, ils devraient se demander où tout cela va mener. C’est comme une partie d’échecs. À un moment donné, tôt ou tard, il faudra procéder à une analyse du manque à gagner fiscal. Ils ne voulaient pas en entendre parler quand je me suis entretenu avec eux. Ils ont toutefois été forcés de faire de petites analyses.
Au bout du compte, il faudra porter des accusations contre des gens et obtenir des condamnations pour rétablir la crédibilité de l’organisation. Puisqu’il faudra procéder à une analyse du manque à gagner fiscal, tôt ou tard, pourquoi ne pas faire le nécessaire dès maintenant pour régler le problème? À leurs yeux, toutefois, la situation n’est pas problématique. Ils ont plutôt l’impression qu’on s’ingère dans leur domaine et dans leur petit groupe fermé.
Il s’agit, sans l’ombre d’un doute, du pire ministère de l’appareil gouvernemental qu’il m’ait été donné de voir.
La sénatrice McPhedran : Je veux préciser ma question. Je vous interrogeais au sujet des ministres. Pourriez-vous répondre? Souhaitez-vous que je répète ma question? C’est au sujet des ministres avec qui vous avez été en communication. Certains d’entre eux ont-ils fait de ce dossier une priorité? Où se situe la responsabilité ministérielle dans le scénario que vous nous décrivez depuis des années?
Le sénateur Downe : D’après mon expérience, les ministres sont vraiment sur la défensive et ils défendent exclusivement leur ministère.
(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)
Le décès de l’honorable Marc Garneau, c.p., C.C.
Minute de silence
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’invoque très brièvement le Règlement. Je tiens à informer le Sénat que notre ancien collègue l’honorable Marc Garneau, véritable héros canadien, s’est éteint. J’espère sincèrement que nous aurons l’occasion, chers collègues, de lui rendre hommage en évoquant sa vie et ses accomplissements dans un proche avenir. Si je puis me permettre, j’invite maintenant les honorables sénateurs à observer une minute de silence.
(Les honorables sénateurs observent une minute de silence.)
(1820)
Les travaux du Sénat
L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-13(2) du Règlement, je propose :
Que la séance soit maintenant levée.
Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
(À 18 h 21, le Sénat s’ajourne jusqu’à 13 h 30 demain.)